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Diverses causes ont amené ce fâcheux résultat. Au dehors, une nouvelle indisposition de l’empereur Guillaume a ravivé les inquiétudes à Berlin, et la note pessimiste est redevenue prédominante à Vienne, où l’on s’étonne de voir la Russie ne présenter aucune proposition formelle pour le règlement de la question bulgare, alors que les journaux autrichiens ne cessent de signaler des mouvemens de troupes russes sur les frontières de la Galicie et de la Bessarabie.

Les cotes étrangères n’ont donc apporté ici aucune impulsion encourageante. D’autre part, deux faits d’ordre intérieur ont paralysé toute disposition de la spéculation dans le sens de la hausse. Le premier est le désastre boursier d’un spéculateur engagé à la baisse dans des proportions formidables sur certaines valeurs, comme l’action de Rio-Tinto et celle de Panama. Les différences à payer en janvier, par suite de la grande hausse du premier de ces titres, s’élevaient à plusieurs millions. Le paiement n’a pu en être effectué que pour partie, après des arrangemens laborieux qui ont laissé quelques intermédiaires fort atteints et d’autres menacés, principalement sur le marché libre.

Les conséquences de ce désastre ont pesé nécessairement sur le marché, en rendant le crédit plus difficile et en rappelant tout le monde à la plus stricte prudence.

On a appris, en outre, par une communication de M. Tirard, président du conseil et ministre des finances, à la commission du budget que le gouvernement, ne pouvant ni émettre publiquement le solde des rentes de la conversion restées en suspens, le chiffre n’en étant pas assez élevé, ni en disposer par ventes directes sur la place, dans la crainte de provoquer une réaction des cours, avait pris le parti de les réserver pour les remettre, au fur et à mesure de leurs besoins, aux caisses d’épargne.

Comme les caisses d’épargne achètent d’ordinaire à la Bourse les titres dont elles ont régulièrement à se fournir, la disparition forcée pour un certain temps, de cet acheteur sérieux du marché au comptant, a fait craindre que le concours des capitaux ne fût ce mois-ci beaucoup plus réduit qu’il n’eût été à désirer. De là des ventes de précaution et le retour du 3 pour 100 à 81 francs, accompagnant un mouvement rétrograde analogue des fonds étrangers.

Ajoutons que la rentrée des chambres a rappelé le monde financier aux préoccupations relatives à notre situation budgétaire, aux interpellations possibles, à tous les incidens qui peuvent surgir de la rencontre du ministère et de la représentation nationale. Déjà le conflit a éclaté entre le ministre des finances et la commission du budget au sujet de l’impôt sur les boissons, et on redoute que ce ne soit là qu’un début dans la voie des conflits.

Le cours de 81 francs a cependant ramené sur notre 3 pour 100 quelques achats. L’abaissement du taux de l’escompte par la Banque d’Angleterre,