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LA CENTAURESSE.


Jadis, à travers bois, rocs, torrens et vallons,
Errait le fier troupeau des Centaures sans nombre ;
Sur leurs flancs le soleil se jouait avec l’ombre,
Ils mêlaient leurs crins noirs parmi nos cheveux blonds.

L’été fleurit en vain l’herbe. Nous la foulons
Seules. L’antre est désert que la broussaille encombre ;
Et parfois je me prends, dans la nuit chaude et sombre,
A frémir à l’appel lointain des étalons.

Car la race de jour en jour diminuée
Des fils prodigieux qu’engendra la Nuée,
Nous délaisse et poursuit la Femme éperdûment.

C’est que leur amour même aux brutes nous ravale ;
Le cri qu’il nous arrache est un hennissement
Et leur désir en nous n’étreint que la cavale.


CENTAURES ET LAPITHES.


La foule nuptiale au festin s’est ruée,
Centaures et guerriers ivres, joyeux et beaux ;
Et la chair héroïque au reflet des flambeaux
Se mêle au poil ardent des fils de la Nuée.

Rires, tumulte... Un cri!.. L’Épouse polluée
Que presse un noir poitrail, sous la pourpre en lambeaux
Se débat, et l’airain sonne au choc des sabots
Et la table s’écroule à travers la huée.

Alors celui pour qui le plus grand est un nain
Se lève. Sur son crâne, un muffle léonin
Se fronce hérissé de crins d’or. C’est Hercule.

Et d’un bout de la salle immense à l’autre bout.
Dompté par l’œil terrible où la colère bout,
Le troupeau monstrueux en renâclant recule.