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des tissus les plus fins et les plus délicats. On en exporte chaque année pour plus de 16 millions de francs. Le sucre figure à la sortie pour 22 millions, l’or pour 11 millions, le café et le tabac chacun pour 6 millions. Le riz se consomme sur place; il forme la base de l’alimentation de la population, et on en importe encore pour près de 13 millions. Le rendement de la terre est élevé : on estime de 10 à 15 pour 100 le revenu de la culture du riz; ce revenu atteint jusqu’à 30 pour 100 quand le sol est planté de cannes à sucre. Le prix moyen de la journée de travail d’un adulte est de un real fuerte, 0 fr. 62 1/2. Le commerce principal, jusqu’ici accaparé par l’Angleterre, tend à décroître et à changer de mains. L’Allemagne s’en empare; la plupart de ses produits font une concurrence redoutable à nos produits français, ses soieries notamment menacent sérieusement nos soieries de Lyon.

Chargé, en 1879, par M. le ministre de l’instruction publique D’une mission scientifique dans la province de Malacca, Luçon Soulou, Bornéo et Mindanao, M. le docteur J. Montano a publié à son retour un très remarquable récit de son voyage aux îles Philippines et en Malaisie[1]. M. J. Montano n’est pas seulement un savant consciencieux, c’est en outre un observateur intelligent et fin qui, chemin faisant, a su noter les traits de mœurs, étudier les habitans avec autant de sagacité que la faune et la flore, et donner du pays une description aussi exacte qu’intéressante.

Dans cet archipel asiatique, aussi bien qu’en Europe et dans les deux Amériques, l’Espagne a donné aux localités occupées par elle sa marque indélébile. A Mexico comme à Panama, à Lima comme à Manille, sous toutes les latitudes, on retrouve l’aspect sévère et solennel, le cachet féodal et religieux que cette race imprime à ses monumens, à ses palais, à ses demeures. Panama conserve encore grand air avec ses églises et ses couvens en ruines, ses fortifications cyclopéennes, ses palais et ses arsenaux d’un autre âge. Dorées par le soleil des tropiques, rongées par le temps, criblées par es balles de cent insurrections, ces ruines restent imposantes par leurs vastes proportions. Les hautes tours de la cathédrale qui servent de phare aux navires et, du large, leur indiquent l’entrée de la rade, n’ont pas bougé depuis des siècles, malgré les secousses de tremblemens de terre. A Mexico, le Sagrario, avec sa pierre rose fouillée, ciselée comme une pièce d’orfèvrerie du XVIe siècle, déploie sur la plaza Mayor, entourée de maisons à arcades écrasées qui rappellent Valladolid, sa façade flamboyante que l’on dirait avoir été commandée, elle aussi, par cet édile de Séville donnant pour toute instruction à l’architecte de la cathédrale : « Bâtissez-nous une

  1. Paris, 1885, in-8o; Hachette.