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personnelles avec tous les détenus. Ils sont aidés dans leur tâche par une société charitable pour l’amélioration des prisonniers, qu’anime le même esprit de zèle évangélique. L’état n’hésite pas à s’imposer des sacrifices considérables pour assurer la dignité et même l’éclat des cérémonies du culte. C’est ainsi qu’une chapelle cellulaire, où tous les détenus peuvent assister aux offices sans se voir, vient d’être construite à côté de la prison, sur la demande expresse de la commission administrative. La commission avait trouvé peu convenable que les détenus assistassent à la messe ou au sermon de l’intérieur de leurs cellules, en n’ayant vue sur l’autel ou la chaire que par leur porte entre-bâillée, et elle espérait que les offices religieux produiraient sur eux plus d’impression s’ils y assistaient dans un édifice spécial. L’état est entré dans cet ordre d’idées, et la chapelle cellulaire a été construite sur les plans de la commission. Je pourrais entrer dans des détails plus minutieux et qui ne laisseraient pas d’être intéressans ; mais ce que je viens de dire suffit pour montrer dans quels sentimens, avec quel sérieux, avec quelle foi, le système cellulaire est compris et pratiqué dans les prisons de la Hollande.

Les choses se passent-elles ainsi à Paris, et en particulier dans la prison de la Santé? Non, et cela ne saurait être. Tout d’abord, aucun des fonctionnaires de l’administration des prisons de la Seine, depuis les plus haut placés jusqu’aux plus humbles, ne saurait prendre l’emprisonnement cellulaire très au sérieux, lorsqu’ils savent parfaitement que, si telle catégorie de détenus y est soumise et non pas telle autre, ce n’est pas en exécution d’une idée préconçue, mais parce que le hasard en a décidé ainsi. C’est le cas en particulier pour le directeur et les gardiens de la maison de la Santé, qui, dans la même prison, pratiquent deux systèmes différens. Comment cet éclectisme ne les rendrait-il pas un peu sceptiques? Ce n’est pas que, dans l’intérieur même de la prison, la répartition des détenus entre le quartier cellulaire et le quartier commun soit laissée au hasard ou à l’inspiration du directeur. Un règlement bien conçu prescrit de mettre en cellule d’abord tous ceux qui le demandent, puis les individus âgés de moins de vingt ans, les condamnés pour tous faits de mœurs, quel que soit leur âge, enfin les individus condamnés pour la première fois. Mais directeur et gardiens savent parfaitement que, si ces mêmes individus, qu’on met en cellule à la Santé, avaient été condamnés l’un des trois premiers jours de la semaine et non pas l’un des trois derniers, ils seraient détenus en commun à Sainte-Pélagie. Lorsque l’administration dont ils relèvent, dominée par une situation de fait qui s’impose à elle, leur donne l’exemple de cette indifférence, on ne saurait leur demander