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indépendante. Mais ces conciles eux-mêmes amenèrent un amoindrissement nouveau dans la puissance religieuse du saint-siège. Ils attribuèrent à l’épiscopat la suprématie doctrinale et le droit de discipline qui avaient fait, antérieurement à tous ces troubles, la force du pontife romain ; ils constituèrent théoriquement l’église en monarchie parlementaire. A chaque élection, le pape dut jurer, entre les mains de ses cardinaux, les capitulations par lesquelles il abdiquait en faveur du sacré-collège les prérogatives les plus grandes du gouvernement de l’église. Dès le lendemain, il avait oublié ses sermens, et s’efforçait de revenir à la plénitude de ses anciens pouvoirs. Les papes de la seconde moitié du XVe siècle ont tous déchiré la charte pontificale. Cet acte de mauvaise foi n’eut pour aucun d’eux des conséquences graves. Les cardinaux italiens se souciaient médiocrement des intérêts de l’église universelle ; chacun d’eux, rêvant de la tiare, voyait sans déplaisir une usurpation qui tendait non pas à relever la puissance spirituelle de leur maître, mais à consolider dans sa personne une réalité dont les grands papes d’autrefois n’avaient jamais connu que l’ombre, le principat ecclésiastique, la royauté temporelle de Rome.

Or, pendant les cent cinquante années qui vont de la captivité d’Avignon au pontificat de Pie II, le régime politique et social de l’Italie avait changé de fond en comble. La tyrannie avait remplacé les communes. Les provinces s’étaient, bon gré mal gré, constituées en principats. Milan appartenait aux Visconti, puis aux Sforza ; Florence s’était accommodée du régime indécis du premier Médicis ; le royaume des Deux-Siciles était, avec les Aragons, une monarchie taillée sur le patron des royautés européennes ; il y avait des tyrans à Bologne, à Ferrare, à Rimini, à Pérouse, dans chacune des villes de Romagne, dans chaque tour féodale, pour ainsi dire ; mais ici, le baron ou le duc n’attendait plus rien de la fidélité de ses sujets dont il était le despote ; il ne reconnaissait au-dessus de soi aucun suzerain. Ce fut, pour le pontificat romain, une inexorable nécessité de s’adapter à ce milieu, de chercher des conditions de vie pareilles à celles des autres puissances italiennes. La politique nationale d’Innocent III et de Boniface VIII, l’hégémonie des cités guelfes avait fait son temps ; il n’y avait plus ni Guelfes ni cités ; la chimère d’une église libre, mais privée d’un domaine indépendant, au sein d’une Italie princière, était insoutenable ; la papauté eût été confisquée par les Aragons ou les Médicis, comme elle l’avait été, au Xe siècle, par les barons de Tusculum ou par les empereurs. Le seul parti à prendre, pour les papes, fut d’être tyrans au même titre que tous les autres ; plus grave était leur déchéance religieuse, plus pressante était l’obligation de faire grande figure dans la péninsule, afin de retrouver par la diplomatie une