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astronomes Cassini de Thury, Le Monnier, Maraldi ; les mécaniciens Nollet, Vaucanson, de Montigny ; les anatomistes Morand, d’Aubenton, Hérissant ; les botanistes Bernard de Jussieu, Duhamel du Monceau, Guettard, Le Monnier, médecin de la cour ; les chimistes La Condamine, Bourdelin, Malouin, le secrétaire perpétuel Grandjean de Fouchy et le trésorier Buffon[1].

L’élection eut lieu le 18 mai 1768. Lalande raconte qu’il contribua à la nomination de Lavoisier par cette considération qu’un jeune homme qui avoit du savoir, de l’esprit, de l’activité, et que la fortune dispensait d’embrasser une autre profession, serait très naturellement très utile aux sciences[2]. Les amis de Lavoisier furent en majorité. Il fut présenté en première ligne ou, comme on disait alors, il eut les premières voix, Jars eut les secondes ; mais le choix appartenait au roi, l’Académie n’ayant que le droit de présentation. Le ministre Saint-Florentin décida que Jars serait nommé à la place laissée vacante par la mort de Baron ; et ne voulant pas blesser le sentiment de la majorité des académiciens, il créa provisoirement une nouvelle place d’adjoint chimiste, donnée à Lavoisier. Il fut convenu, en outre, que, lors d’une prochaine vacance parmi les adjoints chimistes, il n’y aurait pas lieu de procéder à une nouvelle élection[3]. Cette vacance ne tarda pas à se produire : un an après environ, Jars mourait subitement, au cours d’un voyage en Auvergne, le 20 août 1769.

La nomination de Lavoisier à l’Académie fut une grande joie pour ses amis et sa famille. Son père, qui venait d’être gravement malade, et dont l’état de santé avait, durant tout l’hiver, vivement inquiété les siens, en vit sa convalescence égayée ; de tous les côtés arrivaient les félicitations. Un parent, Augez de La Voye, lui écrivait ces paroles prophétiques : « Quels progrès doit produire la maturité d’une jeunesse si utilement employée ! » L’heureuse tante Punctis avait aussi sa part de complimens : « Je vois la joie briller dans vos yeux, lui écrit M. de La Voye, en apprenant que ce cher neveu, l’objet de toutes vos complaisances, est nommé à l’Académie des Sciences. Quelle satisfaction que dans un âge si tendre, où les autres jeunes gens ne songent qu’à leur plaisir, ce cher enfant ait fait de si grands progrès dans les sciences, qu’il obtienne une place que l’on n’obtient ordinairement, après beaucoup de peine, qu’à plus de cinquante ans[4]… »

  1. Le plus ancien membre de l’Académie était de Mairan, qui en faisait partie depuis cinquante ans, et avait été secrétaire perpétuel : Bernard de Jussieu, Duhamel du Monceau, qui soutenaient Lavoisier, étaient de l’Académie, le premier depuis quarante-trois ans, le second depuis quarante ans.
  2. Notice sur Lavoisier, par Lalande.
  3. Archives de l’Académie des Sciences, année 1768.
  4. Voici une jolie lettre de Mlle  Julie Augez de La Voye à Mlle  Punctis : « Bonjour, ma chère cousine, comment vous portez-vous ? Que j’ai de plaisir à m’entretenir avec vous ; je ne puis vous exprimer le plaisir que la nomination de mon cher cousin m’a fait ; je ne suis si c’était amitié ou connaissance qui me l’avait toujours fait penser. Vous allez dire que je fais bien la connaisseuse pour une petite provinciale. Si vous saviez, ma chère cousine, je m’en tiens une fois plus droite ; il semble que ce soit moi qui ai eu tous les suffrages de ces messieurs. Moi qui ne suis que sa cousine, je juge par là du plaisir que cela vous a fait, vous qui l’aimiez tant et qui étiez à portée de voir combien il mérite les suffrages… » Mlle  Julie de La Voye épousa M. Romand, qui fut, pendant la Révolution, payeur-général de l’armée de l’Ouest.