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Il avait, à cet effet, réuni une société de capitalistes qui offraient de faire toutes les dépenses moyennant une subvention de 18,000 livres, payable en quatre ans[1]. Déjà il avait préparé la réalisation du projet et adressait un appel aux naturalistes dans une lettre[2]où, plein de déférence pour Guettard, et avec une modestie et une réserve qui ne se sont jamais démenties, il disait : « Vous avez en la bonté d’annoncer au public les soins que M. Guettard venait de donner pour compléter, autant que possible, l’atlas minéralogique de la France, et vous m’avez même attribué plus de part que je n’en mérite à cet ouvrage. » En outre, il faisait imprimer une sorte de questionnaire, tiré à sept cent cinquante exemplaires, et envoyé aux naturalistes et aux ingénieurs habitant les régions sur lesquelles on n’avait encore que des renseignemens incomplets ; de plus, il s’associait avec Dupain-Triel et faisait dresser à ses frais une carte d’ensemble de la France minéralogique[3].

Un autre que lui devait recueillir l’honneur de cette publication. Malgré l’accueil favorable fait à son projet par Bertin, le manque de fonds en empêcha d’abord l’adoption, puis des intérêts particuliers vinrent s’y opposer. Guettard se retira, et un nouveau collaborateur sut se faire imposer par le pouvoir. C’était le chimiste Monnet, ancien concurrent de Lavoisier à l’Académie des Sciences, où il ne devait jamais parvenir. Nommé inspecteur-général des mines en 1774, Monnet fit divers voyages pour compléter certaines cartes, et gardant le plan primitif, ajoutant de nouvelles cartes à celles qui étaient déjà gravées, ayant en main tous les documens remis par Guettard et Lavoisier, il publia, en 1780, un atlas minéralogique incomplet, en laissant sur le titre le nom de Guettard[4], mais en s’attribuant la plus grande part du travail. Il cita, il est vrai, Lavoisier comme l’auteur des seize premières cartes, mais il utilisa sans son aveu et sans le nommer les matériaux préparés pour le reste du travail, et négligea d’indiquer que les coupes placées en marge de chaque carte étaient le résultat des nivellemens faits au baromètre par Lavoisier. Celui-ci en fut vivement froissé : « On ne rappelle ces détails, dit-il dans une note, que pour faire sentir avec combien d’impudence s’est conduit M. Monnet en s’emparant des planches qui appartiennent au roy, et sur lesquelles

  1. Note autographe de Lavoisier.
  2. Elle fut publiée, en août 1772, dans les Observations de physique de l’abbé Rozier.
  3. Lavoisier, fidèle à ses amitiés, fit, en 1793, un rapport au bureau de consultation sur les travaux de Dupain-Triel, et demanda pour lui le maximum des récompenses nationales.
  4. Atlas descriptif, et minéralogique de la France, rédigé par ordre du roi par MM. Guettard et Monnet. — Publié par M. Monnet, d’après ses nouveaux travaux, in-folio, 1780.