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pénible le contact des autres détenus : depuis l’étudiant compromis dans une rixe de brasserie jusqu’au bookmaker arrêté à l’hippodrome de Longchamp. Enfin un certain nombre de cellules, plus spacieuses et plus aérées que les autres, sont spécialement affectées aux enfans.

Autrefois, les enfans, quel que fût le motif de leur arrestation, étaient enfermés tous en commun, au nombre parfois de trente ou quarante, dans une même salle, et ils dormaient la nuit sur un fit de camp garni de paillasses. Leur journée oisive s’écoulait également dans cette salle ou dans deux étroits préaux, sous la surveillance assez illusoire d’un gardien. Cette promiscuité absolue entre des enfans égarés, mendians, vagabonds et voleurs, avait donné lieu à de vives réclamations, dont je me suis moi-même fait l’écho[1]. La préfecture de police a fait droit à ces réclamations, et dans l’annexe ajoutée au dépôt, elle a fait réserver aux enfans un certain nombre de cellules. Mais le petit nombre de ces cellules a pour conséquence que chacune reçoit plusieurs enfans à la fois. On peut se demander si l’intimité forcée qui s’établit entre trois ou quatre enfans oisifs et enfermés ensemble toute la journée, dans un espace étroit, sous une surveillance intermittente, ne présente pas autant d’inconvéniens que la promiscuité absolue sous une surveillance constante. Il faudrait que chaque enfant, pendant le temps très court qu’il passe au dépôt, fût absolument isolé, comme il le sera plus tard à la Petite-Roquette, pendant le temps de sa détention préventive. Mais ce desideratum, l’exiguïté même du bâtiment ne permettra jamais de le réaliser, et c’est là une raison de plus pour déplorer l’erreur d’architecture, cause première de toutes les difficultés au milieu desquelles se débat la préfecture de police, faisant, là comme ailleurs, de son mieux, avec beaucoup d’intelligence et d’humanité.

Il ne faut pas quitter le quartier des hommes sans avoir passé par l’infirmerie, non pas que, par elle-même, l’infirmerie, petite pièce longue, étroite, garnie de couchettes assez peu confortables, ait rien de très particulier, mais parce qu’il est impossible d’y faire une visite sans toucher au doigt quelques-unes des défectuosités de notre assistance publique. Beaucoup de pauvres diables ne viennent, en effet, échouer au dépôt que faute d’un établissement hospitalier qui puisse les recevoir. Tel était en particulier le cas d’un malheureux que j’y ai vu, dont les jambes enflées refusaient de le porter, et qui pansait lui-même, tant bien que mal, ses ulcères avec un pot de pommade. Trois jours de suite, il s’était présenté à la consultation du bureau centrail.

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1878.