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Abd-el-Kader y combattit en personne, à la tête de ses cavaliers rouges, qui, après avoir tenu tête aux gendarmes français et aux gendarmes maures, ne cédèrent que devant la charge des deux régimens de chasseurs d’Afrique. A peine ce premier combat avait-il pris fin, qu’on vit apparaître successivement les goums de l’ouest amenés par Miloud-ben-Arach, et ceux de l’est amenés par Barkani ; mais ni les uns ni les autres n’osèrent s’engager à fond. Après une courte fusillade, dès qu’ils virent qu’on marchait résolument à eux, ils tournèrent bride et disparurent. « Commencée par un combat brillant, a dit le général Bugeaud dans son rapport, cette journée a été encore intéressante par cette circonstance que trois gros corps de cavalerie, formant entre eux un triangle au milieu duquel je me trouvais, ont été battus et mis en fuite par environ 1,100 chevaux, que soutenaient quelques bataillons d’infanterie. Ces faits sont de nature à déconsidérer la cavalerie de l’émir aux yeux des populations arabes. » Après avoir traversé sur trois colonnes les montagnes des Soumata, dont les gourbis furent brûlés, le corps expéditionnaire descendit dans la Métidja pour prendre un repos de quelques jours.

Pendant l’absence du gouverneur, le khalifa Ben-AUal-ben-Sidi-Mbarek avait tenté un coup de main sur Koléa la sainte, la cité consacrée par les vertus des illustres marabouts ses ancêtres ; énergiquement commandée par le chef de bataillon Poërio, de la légion étrangère, la petite garnison s’était victorieusement défendue. Malheureusement, à quelques jours de là, près d’Ouled-Fayet, au cœur même du Sahel, les Hadjoutes avaient surpris et détruit un détachement d’une quarantaine d’hommes imprudemment aventurés par le capitaine Muller.

Le 10 mai, un arrêté du gouverneur appela le général de Bar au commandement du territoire d’Alger ; Duvivier, qui en avait été investi trois semaines auparavant, demanda sa mise en disponibilité immédiate. En transmettant sa demande au maréchal Soult, ministre de la guerre, le général Bugeaud y ajouta les observations suivantes : « M. le maréchal Valée avait nommé le général Duvivier commandant de la province de Titteri ; c’était une illusion, car M. Duvivier n’a jamais commandé que dans les murs de Médéa. Il a réclamé vainement les troupes que M. le maréchal lui avait promises à la fin de la campagne. Depuis que j’ai pris le commandement, M. Duvivier a plusieurs fois réclamé l’exécution des promesses faites par mon prédécesseur. Je me suis attaché à lui prouver, par des calculs d’effectifs et surtout de subsistances, que cela ne se pouvait pas en ce moment, mais je lui promettais que, si la campagne tournait bien, je lui donnerais 3,000 ou 4,000 hommes pour achever la soumission du pays et changer son titre fictif en