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ne peuvent faire que des incursions passagères qui n’obtiennent que des résultats presque insignifians, sauf la destruction de quelques moissons. Elles laisseraient à l’ennemi la libre jouissance de l’ouest et de ses dépôts. Il faut viser à quelque chose de plus décisif. Je crois, depuis longtemps, que c’est dans la province d’Oran qu’on peut lui porter les plus rudes coups, parce que c’est de là qu’il lire ses principaux moyens en hommes et en tributs. Si l’effectif était suffisant, je voudrais occuper Mascara avec 6,000 hommes d’infanterie, les Douair et les spahis ; une colonne de 4,000 hommes serait disponible à Mostaganem, place qui deviendrait la base d’opérations et de ravitaillement de la colonne de Mascara. » Cependant, avant l’occupation de Mascara, une opération préliminaire lui paraissait indispensable, la destruction des magasins et des ateliers établis par Abd-el-Kader à Takdemt.

Par un heureux accord, qui ne devait pas durer toujours, les idées du général Bugeaud se trouvaient être exactement celles du général de La Moricière, de sorte que celui-ci rentra satisfait à Oran et se mit à disposer tout pour l’exécution du programme convenu. Par un concert non moins heureux, le ministre de la guerre s’y associa pareillement et ne marchanda pas les envois de troupes au gouverneur. L’effectif de l’armée d’Afrique, au 1er janvier 1841, était de 61,374 Français et de 3,648 indigènes ; la moitié à peu près de cet effectif était cantonné dans la province d’Alger ; le surplus était réparti presque également entre les provinces d’Oran et de Constantine. Au nombre des renforts qui élevèrent, dès le mois de mai, le total de l’armée au chiffre de 78,000 hommes, il faut noter le 6e léger, le 56e de ligne, et surtout cinq des dix bataillons de chasseurs à pied, créés tout récemment sur le modèle du bataillon de tirailleurs de Vincennes, qui avait brillamment fait ses débuts en Afrique l’année précédente.

Avant d’engager la série des opérations qui devaient s’attaquer à la puissance d’ Abd-el-Kader dans le Titteri comme dans le beylik d’Oran, le gouverneur voulut donner lui-même ses instructions au général de Négrier, qui venait de remplacer à Constantine le général Galbois. Son voyage fut rapide. Parti d’Alger le 7 mars, il était rentré le 18. Inflexible dans l’application de ses principes de guerre, il avait condamné les deux tiers des postes retranchés qui s’étaient multipliés dans la grande province de l’est ; Ghelma, Smendou, El-Arouch au nord, Sétif à l’ouest, furent seuls épargnés. Pendant son absence et d’après ses ordres, le général Baraguey d’Hilliers avait fait évacuer le camp du Fondouk à l’extrémité orientale de la Métidja.

A la fin de mars, tout était prêt pour l’entrée en campagne. Le premier dessein du gouverneur était de ravitailler, ce n’est pas