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habitude de tout violenter, que le jour où ils sont arrivés aux affaires ils ont commencé à usurper, à empiéter de toutes parts. La chambre républicaine n’est pas une convention, elle procède cependant comme une convention, elle a le goût jacobin de l’omnipotence. Elle a créé des commissions avec l’arrière-pensée de pénétrer dans les administrations publiques, de se substituer au gouvernement et même quelquefois à la justice. Elle a eu, elle a encore une commission du budget qui, sous prétexte de régler les dépenses de l’état, désorganise des services, supprime des lois et supprimerait au besoin des traités. Elle est arrivée ainsi, par le fait, à fausser toutes les conditions d’un gouvernement régulier, aussi bien que du régime parlementaire, à préparer l’incohérence. Il y avait du moins une institution devant laquelle les républicains s’étaient à peu près arrêtés jusqu’ici, c’était la présidence. Eh bien ! l’institution n’est plus intacte, elle a perdu son inviolabilité. Ceux qui sont allés l’autre jour à l’Elysée signifier un congé plus ou moins déguisé à M. Jules Grévy ont fait en réalité un coup d’état, et ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’ils l’ont fait sans titre, sans mandat, sans un vote des chambres, par impatience, par panique. Ils n’ont pas vu qu’ils n’atteignaient pas seulement un président, qu’ils tuaient du même coup la présidence : car enfin que devient en tout cela la constitution ? Que signifie désormais la présidence de sept ans ? Quel est maintenant l’hôte de l’Elysée qui pourrait résister le jour où l’on pourrait invoquer contre lui un mouvement d’opinion plus ou moins sincère, où des chefs, parlementaires s’entendraient pour lui refuser leur concours ? C’est la brèche ouverte dans les institutions. Là où les uns ont passé, les autres passeront !

Les circonstances, dit-on, ont été plus fortes que les volontés. C’est M. Jules Grévy qui a tout fait, tout précipité par son obstination à défendre M. Wilson devant une opinion surexcitée, à engager la considération du président et de la présidence dans les affaires de son gendre. Il est certain que M. Grévy s’était fait une position où il ne pouvait plus guère rester à l’Elysée, qu’il pouvait être soupçonné d’avoir été négligent ou complice en laissant s’établir dans son propre palais une agence équivoque. Il s’était trop compromis ; il n’avait jamais été, dans tous les cas, un président assez éclatant pour dominer l’opinion. Il était moralement perdu, c’est possible ; mais c’est ici précisément une circonstance curieuse de plus. Les républicains étaient assurément les derniers qui eussent le droit de se faire les juges de celui qui est encore le président de la république. Ils sont plaisans avec leurs indignations soudaines et leurs pudeurs offensées ! en réalité, ils savaient depuis des années ce qui se passait à l’Elysée. Ils n’ignoraient rien, ni le ministère de M. Wilson, ni la nature des opérations du gendre de M. le président de la république. Ils savaient depuis longtemps tout ce qu’on