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qui a laissé tout s’envenimer, par la guerre civile de la police et de la magistrature, par l’apparition d’un nouveau personnage, qui a éclipsé tous les autres. Ce personnage, c’est le propre gendre de M. le président de la république, M. Wilson, de toutes parts mis en cause pour ses opérations et ses trafics, pour avoir abusé de son influence et de sa position de famille. Ces accusations, d’abord assez vagues, n’ont pas tardé à se préciser, par un hasard qui a fait découvrir en pleine audience une supercherie destinée à abuser la justice, une substitution de pièces accomplie au profit de M. Wilson, sans doute avec la connivence de la police, — et on n’a plus pu reculer devant une demande en autorisation de poursuites. Malheureusement, derrière M. Wilson, il y avait M. le président de la république, atteint maintenant dans sa considération, accusé d’avoir laissé s’établir à ses côtés, au palais même de l’Elysée, une agence suspecte, un ministère inavoué de trafics scandaleux, sous la direction d’un membre de sa famille. C’était une étrange complication. Sur ces entrefaites, le ministère, plus que jamais embarrassé de sa position fausse, menacé d’une interpellation dangereuse au Palais-Bourbon, est allé un peu légèrement, peut-être volontairement, au-devant d’un échec qui ne lui a pas manqué. Il a demandé, sous prétexte de laisser s’accomplir jusqu’au bout la conversion de la rente, un ajournement de discussion qui lui a été refusé, et il a sur-le-champ donné sa démission ; mais alors s’est révélée une situation toute nouvelle. Ce n’était plus seulement une crise ministérielle, c’était une crise présidentielle qui venait de s’ouvrir ; c’était pour M. Jules Grévy la nécessité d’une abdication devant l’animadversion croissante des partis, des républicains du parlement, qui, après l’avoir exalté il y a un an à peine en lui décernant un second septennat, le condamnent aujourd’hui à une humiliante retraite.

Le fait est que, dès ce moment, M. Grévy n’a plus trouvé aucun concours pour former un ministère. Il s’est adressé à l’auteur de l’interpellation devant laquelle M. Rouvier venait de tomber, à M. Clemenceau, qui, le premier, lui a signifié, avec une respectueuse brutalité, qu’il n’avait plus qu’à s’en aller, qu’on ne pouvait plus rien pour lui ni avec lui. Il s’est adressé à d’autres républicains du parlement, à M. Floquet, à M. Goblet, à M. de Freycinet, qui paraissent avoir répondu à peu près de même, en refusant aussi leur secours pour refaire un gouvernement. Les uns et les autres commettaient, sans aucun doute, un acte des plus graves et dont ils n’ont peut-être pas senti toute la portée, en plaçant le président sous le coup d’une sorte de sommation révolutionnaire, en le mettant dans l’impossibilité de rester à un poste où il est censé être le gardien inviolable de la constitution. M. Jules Grévy ne s’est pas visiblement laissé décourager et convaincre du premier coup. Il a cru peut-être à un égarement