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« : L’INJUSTE : — Or ça ! dis-moi, quelle espèce de gens sont les orateurs ?

LE JUSTE : — Des infâmes.

— Je le crois ; et nos poètes tragiques ?

— Des infâmes.

— Bien ; et les démagogues ?

— Des infâmes.

— Et les spectateurs, que sont-ils ? Vois quelle est la majorité.

— Attends, je regarde.

— Eh bien ! que vois-tu ?

— Les infâmes sont en majorité. En voilà un que je connais pour tel, celui-là encore, et cet autre avec ses longs cheveux. Qu’as-tu à dire maintenant ?

— Je suis vaincu. O infâmes, je vous en prie, recevez mon manteau ; je passe dans votre camp !

Phidippide se décide enfin à aller à l’école de Socrate.. Mais le bonhomme Strepsiade ne tarde pas à s’en repentir ; on le voit accourir sur la scène, battu par son fils : « Ho ! là, là ! voisins, parens, citoyens, secourez-moi ! On me tue ! Ah ! la tête ! Ah ! la mâchoire ! Scélérat, tu bats ton père ! »

PHIDIPPIDE : — Il est vrai, mon père.

— Vous l’entendez, il avoue qu’il me frappe.

— Sans doute.

— Scélérat ! Voleur ! Parricide !

— Répète les injures ; dis-en mille autres ; sais-tu que j’y prends plaisir ?

— Infâme !

— Tu me couvres de roses.

— Tu bats ton père !

— Et je le prouverai que j’ai en raison de te battre.

— L’impie ! Peut-on jamais avoir raison de battre son père ?

— Je te démontrerai, et tu seras convaincu.

— Je serai convaincu ?

— Rien de plus simple. Dis seulement lequel des deux raisonnemens tu veux que j’emploie.

Plus loin, Phidippide dit, en parlant de la loi qui permet aux pères de battre leurs fils et défend la réciprocité : « N’était-il pas homme comme nous, celui qui porta le premier cette loi, et la fit adopter à ceux de son temps ? Pourquoi ne pourrais-je pas également faire une loi nouvelle qui permette aux fils de battre les pères à leur tour ? Nous vous faisons grâce de tous les coups que nous avons reçus depuis l’établissement de cette loi ; nous voulons bien avoir été battus gratis. Mais vois les coqs et les autres animaux : ils se