Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attendu, ses courriers déjà arrivés et ses logemens tout préparés, fut celui même où, la nouvelle de la capitulation de Leipzig parvenant à Dresde, le roi et toute sa famille se décidaient à quitter la ville. Averti à temps, l’envoyé autrichien rétrograda naturellement et vint retrouver à Prague le cortège royal. De là, à la vérité, Brühl fit savoir tout de suite à Vaulgrenant qu’il ne tenait qu’à lui de profiter aussi du voisinage, et qu’il trouverait à Prague, s’il y venait sans retard, l’envoyé autrichien dans les dispositions les plus conciliantes et même les plus empressées. Mais Vaulgrenant répondit très sensément que, la France étant encore en guerre ouverte avec l’Autriche, la présence de son représentant sur une terre ennemie ferait un éclat qui révélerait le secret de la négociation avant même qu’elle fût entamée. Rien de plus naturel, au contraire, que d’Harrach vint à Dresde s’entendre avec la régence qui gouvernait, au nom du roi, dans un moment où les plus graves intérêts de sa souveraine étaient en jeu sur ce théâtre même. Ce sera une manière, écrivait Vaulgrenant à d’Argenson, en lui envoyant sa réponse, de voir si on y va de franc jeu avec nous, ou si on veut seulement nous amuser. Il dut bientôt être convaincu que les intentions étaient sérieuses, car d’Harrach, se rendant à son invitation, fit annoncer qu’il allait venir[1].

Mais, pendant que ces correspondances étaient rapidement échangées entre les capitales si rapprochées de la Saxe et de la Bohême, les mauvaises nouvelles se succédaient à Vienne : d’abord la retraite ignominieuse du prince de Lorraine, puis l’entrée victorieuse de l’armée prussienne en Saxe, enfin la fuite du roi de Pologne, dont l’effet était bien d’éviter de sa part une soumission immédiate, mais qui n’attestait pourtant pas une résolution de résistance à toute épreuve. Ces échecs n’ébranlaient pas le courage de l’impératrice, qui ne perdit pas un instant pour envoyer au prince de Lorraine l’instruction de se mettre immédiatement en marche et de tendre vers Dresde par la voie la plus directe, afin de couvrir à tout prix cette capitale. Elle préparait en même temps tous les ordres nécessaires pour faire revenir vers le nord tout ce qui restait de soldats autrichiens stationnant sur le Rhin, dès le lendemain du jour où, la paix avec la France étant conclue, aucune précaution, ne serait plus à prendre de ce côté. Mais ses conseillers étaient plus émus. Qu’allait-il arriver, se demandaient-ils avec effroi, si on était de nouveau abandonné par la fortune, puis délaissé par un allié timide, n’ayant pu réussir à conclure avec la France et n’étant plus à temps de profiter de la

  1. Brühl à Vaulgrenant, 7, 8, 11 et 12 décembre. — Vaulgrenant à Brühl, 9 et 11 décembre 1745. (Correspondance de Saxe. — Ministère des affaires étrangères.)