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goûts soldatesques, il y joint, dit-on, de violentes impatiences d’action, et il ne paraît pas manquer de confiance en lui-même. Il peut trouver aussi dans les agitations socialistes de l’Allemagne des difficultés croissantes, qu’il sera tenté de trancher ou de détourner par les diversions guerrières. En un mot, avec un nouveau souverain à l’humeur un peu vive, tout ne sera point évidemment facile. Et c’est ainsi que toutes ces éventualités de changement de règne à Berlin mettent dans la situation européenne d’étranges obscurités, de dangereuses incertitudes ; elles sont pour le moment une complication de plus au milieu de tant d’autres complications que la diplomatie est toujours occupée à dénouer ou à détourner avec ses savantes combinaisons.

A dire toute la vérité, la diplomatie ne dénoue rien le plus souvent, et elle ajoute quelquefois elle-même aux complications qu’elle prétend apaiser. Elle s’agite beaucoup, précisément parce qu’elle sent que tout est incertain et précaire autour d’elle, que tout est livré au hasard ; elle s’épuise en négociations artificieuses, elle combine des alliances et elle ne réussit, en définitive, qu’à créer une situation de plus en plus troublée et tendue, où il n’y a ni sûreté, ni garantie, ou tout est factice et obscur du côté de l’Orient comme en Occident. La diplomatie a sans doute, de temps à autre, ses grandes conceptions, ses combinaisons préservatrices sur lesquelles elle compte pour maintenir ou remettre l’ordre partout. Elle a aujourd’hui ce qu’on appelle la triple alliance, cette triple alliance centrale, qui n’a pas toujours été, il est vrai, ce qu’elle est maintenant, qui, dans sa métamorphose la plus récente, date de quelques mois et a été dernièrement confirmée, peut-être complétée, à Friedrichsruhe. C’est une alliance fort commode, dont M. de Bismarck reste toujours maître, et où il fait entrer qui il veut, un jour la Russie, un autre jour l’Italie, sans jamais changer de but.

Qu’en est-il réellement de cette alliance BOUS sa forme nouvelle, telle qu’elle paraît avoir été délibérée et arrêtée là où tout se décide, à Friedrichsruhe ? Quelle en est la signification et quelles en seront les conséquences dans l’état présent de l’Europe ? Quelle garantie offre-t-elle pour la paix générale, pour la solution de toutes les questions qui partagent l’opinion européenne, notamment de cette question bulgare, qui est peut-être un des secrets des dernières délibérations des chancelleries ? Les commentaires se succèdent depuis quelques jours ; on dit naturellement ce qu’on veut. Le président du conseil du roi Humbert, encore tout chaud des conversations de Friedrichsruhe, a, le premier, donné le signal des explications dans son discours de Turin ; il a parlé en homme un peu pressé de publier sa bonne fortune, et ce qu’il y a de plus clair, c’est que l’Italie est désormais admise parmi les gardiens de l’ordre européen, c’est que M. Crispi, l’ancien lieutenant de Garibaldi, par une étonnante et rassurante