Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Mme Madeleine Lemaire. M. Marais, un artilleur bourgeoisement héroïque, fera battre bien des cœurs ; Mme Marie Magnier, Mme Desclauzas, communiqueront leur joviale humeur à bien des chambrées de Parisiens et de provinciaux.

Ce bon abbé Constantin ! .. On est bien aise qu’il soit abbé. Il pourrait jouer le même rôle à peu près, s’il était médecin, cultivateur ou vieillard sans profession. Mais on n’aurait pas le même plaisir à l’honorer d’un bravo. Et, tenez ! l’Odéon, ces jours-ci, nous a donné l’Agneau sans tache, un élégant badinage de MM. Ephraïm et Aderer : le sujet de ce pastiche (style Restauration) est le stratagème dont un mari s’avise pour préserver sa femme des galanteries d’un petit cousin ; celui-ci, une sorte de Chérubin-Tartufe, a pour précepteur un ecclésiastique. Si quelque plaisanterie avait compromis la robe du prêtre en cette aventure, elle aurait, du même coup, gâté le succès de l’ouvrage : quitte pour la peur, assurément, le public l’a pourtant ressentie. Et, l’autre soir, au Théâtre-Libre, quelle tirade a soulevé le plus d’acclamations ? Le panégyrique des sœurs de charité. Ah ! le temps est loin où l’on représentait Napoléon en paradis ! Selon le goût de Déranger, dans ce vaudeville, on voyait une danseuse et une sœur, Zéphirine et sainte Camille, se présenter ensemble à saint Pierre. La danseuse, nécessairement, avait subi force tentations ; mais ce nigaud de saint Pierre supposait que sa compagne, protégée par les murailles de l’hôpital, était restée pure : « Et les carabins ! s’écriait la fille d’Opéra,.. pour qui les comptez-vous ? »

En novembre 1830, on applaudissait à ce trait-là. Mais plus de trois mois ont passé depuis la chute d’un gouvernement clérical ! .. Le vent de Fronde, à Paris, souffle toujours, mais il tourne. Des personnes pieuses, naguère, ont dû souhaiter qu’on interdit sur la scène le port du costume religieux ; c’est les mécréans aujourd’hui qui réclameraient, s’ils étaient avisés, la séparation de l’Église et du théâtre !


Louis GANDERAX.