Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que faire au mouillage de Cascaës, pendant que le ciel, vainement imploré, resta sourd ? Prendre les dernières dispositions de combat ? Tous ces préparatifs serviront-ils jamais ? L’amiral se décide à envoyer à Lisbonne un parlementaire. Ne verrons-nous là qu’un moyen détourné de tromper la fiévreuse impatience qui grandit chaque jour ? Il est pourtant loyal, avant d’en arriver aux dures extrémités d’une entrée de vive force, d’offrir encore une fois au gouvernement, portugais d’occasion d’éviter les calamités qui le menacent. La loyauté est l’essence même du caractère de l’amiral Roussin. Tous ceux qui l’ont connu lui rendront cette justice. L’amiral Roussin expédie donc à Lisbonne le brick le Dragon, commandé par le capitaine de frégate Deloffre. Un de ses adjudans le lieutenant de vaisseau de Cayeux, prendra passage sur le Dragon, et ira remettre au vicomte de Santarem, ministre des affaires étrangères de don Miguel, deux plis cachetés : un de ces plis renferme l’ultimatum officiel ; l’autre contient une lettre confidentielle.

L’ultimatum s’exprime ainsi : « Monsieur le vicomte, les réclamations réitérées de M. le consul de France et la note remise le 16 mai à Votre Excellence, par M. le capitaine de vaisseau de Rabaudy, ont dû lui expliquer suffisamment les motifs qui m’amènent devant Lisbonne. Je viens y maintenir les demandes consignées dans cette note. Si Votre Excellence me fait immédiatement connaître qu’Elle est disposée à traiter sur ces bases, le présent, débat peut se terminer sur-le-champ. Dans le cas contraire, la guerre se trouvant déclarée de fait entre la France et le Portugal, toutes les conséquences qu’elle entraîne peuvent être prévues : elles ne se feront pas attendre. Je prie Votre Excellence de ne pas différer sa réponse de plus de vingt-quatre heures. »

Le style ne peint-il pas l’homme ; et me blâmera-t-on si je me permets de l’appeler un style nelsonien ? N’est-ce pas Nelson encore qui, devant Copenhague, eût pu, sans manquer à sa gloire, signer la lettre suivante : « Monsieur le vicomte, mon parlementaire porte à votre gouvernement les demandes officielles du mien. En remplissant ce devoir, je ne crois pas qu’il doive m’empêcher de tenter un moyen d’en tempérer la rigueur. Cette lettre confidentielle a pour objet de vous engager, de vous prier même, de préférer, dans l’alternative que je vous ai présentée, le rétablissement encore possible de la paix à la continuation certaine d’une guerre imminente. Établi devant le Tage avec une escadre française, j’entrerai dans ce fleuve. Vous en doutez peut-être, monsieur le vicomte, mais Votre Excellence ne saurait nier que le succès de cette tentative ne soit au moins possible. Je le prouverai. Il s’agit donc