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salut du vaisseau est sans espoir, mouillât-il toutes ses ancres, à cause du fond de roche et du remous qui rapporte tout le flot des deux passes sur la pointe nord-est du Cachopo du nord. Si l’on n’avait qu’à sacrifier le premier vaisseau engagé dans cette situation, soit par démâtage, échouage ou saute de vent, on devrait y souscrire ; mais ce vaisseau démâté, échoué ou mouillé, obstruerait en grande partie le passage fort étroit. Qu’un abordage ait lieu par le vaisseau suivant, tout le reste est arrêté, et, en définitive, on ne passe point.

« Ce raisonnement sur la petite passe s’applique encore mieux à la grande, qui serait sous le vent. Une semblable perspective donne à réfléchir. Quant aux obstacles qui succèdent au fort Saint-Julien, on s’accorde à les signaler comme très inférieurs aux premiers. Les forts intérieurs sont plus ou moins vicieux, mal placés, négligés, en y comprenant même ceux de Belem. Saint-Julien et Bugio sont la clé du Tage et de Lisbonne. Jusqu’ici, personne ne l’a encore forcée ; ce qui indique au moins qu’elle ne manque pas de sûreté. Il y a donc ici, mon général, chance de perdre une escadre. Je dis perdre, car, s’il ne s’agissait que de coups de canon à centaines, nous n’en parlerions pas : nous passerions assurément. Mais, si nous ne passons pas ! J’y réfléchirai encore beaucoup. Tout ce que je puis vous affirmer aujourd’hui, c’est qu’aucun des grands intérêts que vous m’avez confiés ne souffrira. » Voilà quelles étaient les préoccupations des Ruyter, des Nelson, des Roussin. La vapeur est venue affranchir nos amiraux de ces entraves. Il en reste d’autres. Si l’on n’a forcé, ni en 1870 ni en 1871, l’entrée de la Jahde, il y avait probablement pour cela de bonnes raisons. L’opinion publique s’étonne peut-être encore d’une inaction dont elle apprécie mal les motifs. Quand les amiraux réfléchissent, l’opinion publique ferait bien, à son tour, de réfléchir un peu. Malheureusement, ce n’est guère, dans notre pays surtout, son habitude.

Nous possédons un établissement où les ministres devraient pouvoir aller puiser des renseignemens certains pour toutes les campagnes et pour toutes les entreprises. Cet établissement se nommait autrefois le dépôt général des cartes et plans de la marine. Il a pris, je ne sais trop pourquoi, le nom de « direction du service hydrographique. » A-t-on voulu restreindre ses attributions ? Ce serait un tort, suivant moi. Je proposais, en 1871, d’y faire dépouiller, analyser, tous les journaux de bord, non pas seulement au point de vue météorologique, comme on parut malheureusement le comprendre, mais dans un dessein bien autrement large. J’aurais voulu que toute expédition projetée trouvât au sein de ce dépôt, dont j’étais alors le directeur, des documens qu’on a toujours quelque