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souvenir de Rio-Janeiro le désignait d’avance, — viendrait prendre, avec la direction supérieure des affaires, le commandement en chef de l’escadre de Toulon en même temps que celui de la division de blocus. Il arborerait à Brest son pavillon à bord du vaisseau de 90 canons le Suffren, magnifique navire construit, sur un plan entièrement nouveau, par un ingénieur de grand mérite, M. Leroux. Quand la triple jonction serait accomplie, la flotte d’opération ne compterait pas moins de quinze bâtimens : sis vaisseaux de ligne, — je les nomme suivant le rang d’ancienneté des capitaines, — le Marengo, commandant Maillard de Liscourt ; l’Algésiras, commandant Moulac ; la Ville-de-Marseille, commandant de la Susse ; le Suffren, commandant Trotel ; l’Alger, commandant Leblanc ; le Trident, portant le pavillon du contre-amiral Hugon, commandant Casy ; — cinq grandes frégates : la Pallas, commandant de Forsans ; la Melpomène, commandant de Rabaudy ; l’Indépendante, commandant Couhitte ; la Sirène, commandant Charmasson ; la Guerrière, commandant Kerdrain ; — deux corvettes à gaillards : l’Églé, commandant Rafy ; la Diligente, commandant Caribou ; — deux bricks de 16 : le Hussard, commandant Thoulon ; l’Endymion, commandant Nonay.

L’effort témoignait encore une fois de la renaissance de notre marine. Après Navarin, Alger ; après Alger, le Tage. La France reparaissait sur les mers dans tout son éclat. Qu’eût-ce été si les bouleversemens politiques l’avaient épargnée ! Les navires étaient excellens ; les capitaines avaient tous fait la guerre, — la grande guerre. — L’amiral de Rigny venait, dans le Levant, de les retremper à son école. Ils unissaient la vigueur de 1812 aux habitudes de bonne tenue et de régularité contractées dans la longue fréquentation des marines étrangères.

« L’affaire dont il s’agit, écrivait, le 3 mai 1831, à M. le comte d’Argout, ministre de la marine, le général Horace Sébastiani, alors ministre des affaires étrangères, est exclusivement française. En conséquence, le commandant des forces navales doit s’abstenir avec le plus grand soin, d’y mêler toute espèce de question relative à la situation intérieure du Portugal. Il doit rester entièrement étranger à toute intrigue directe ou indirecte contre le gouvernement de ce pays. » Instructions prudentes, à coup sûr, mais instructions tenues de rester avant tout secrètes : l’opinion publique ne les aurait pas ratifiées. L’opinion, en 1831, était acquise à tous les insurgés ; elle entendait formellement réserver ses applaudissemens et son approbation aux faits d’armes qui feraient sauter un trône.

L’ordre de départ expédié de Paris parvient à Brest le 9 juin au