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connu sur la terre. Don Miguel, après maintes péripéties, voit réaliser ses espérances : il est roi. L’absolutisme avec lui a repris l’avantage ; le Portugal se remet hardiment en marche pour remonter, si la chose est encore possible, le cours des siècles. Don Miguel ne croit pas la tâche au-dessus de ses forces et de son courage. Un nouveau coup de tonnerre éclate : la révolution s’est rendue maîtresse de la France. Que tous les souverains se tiennent sur leurs gardes ! Le fils de Jean VI reste un instant atterré. Sa nature l’emporte : il combattra la contagion par le fer et le feu. La révolution de 1830 lui est apparue comme un sacrilège ; la majesté des rois est intéressée à la proscrire et à la détester. Tels sont ses sentimens ; il n’en fait pas mystère. La déportation, les emprisonnemens, les amendes, la flagellation en place publique, infligés aux français sous le moindre prétexte, ne sont à ses yeux que l’expiation du grand attentat que son cœur abhorre. Il y allait de l’honneur, de la sécurité même du gouvernement de Juillet, de ne pas laisser de semblables offenses impunies.

Les négociations demeuraient infructueuses. Pouvait-il en être autrement ? L’envoi d’une force navale devant le Tage fut résolu. L’Angleterre ne s’y opposait pas ; tout un parti dans ce parlement, où l’on a vu se manifester tour à tour des sympathies pour les causes les plus diverses, semblait même nous y encourager. L’Angleterre libérale, elle aussi, avait eu ses craintes ; la révolution de juillet les dissipa ; il ne lui paraissait pas bon qu’on mit au ban de l’Europe la seule monarchie qui voulût se modeler à son image. Le gouvernement de juillet était donc assuré d’avoir le champ libre.

La démonstration armée fut, au début, restreinte, la force employée peu considérable. Le blocus du Tage fut déclaré. Une division, placée sous les ordres du capitainerie vaisseau de Rabaudy, — encore un officier de la Sémillante[1], — eut mission de le maintenir. Cette division ne se composait que de la frégate la Melpomène et de quelques corvettes. Plusieurs navires de commerce portugais se virent brusquement arrêtés en mer. Le commandant de Rabaudy les expédia sur Brest. Le dommage n’était pas sérieux ; le gouvernement de don Miguel n’en tint compte. Il fallut se résoudre à vaincre sa résistance par une agression plus directe et plus imposante. L’armement d’une escadre fut prescrit au port de Toulon. Le contre-amiral Hugon conduirait dans les eaux du Tage les forces réunies dans la Méditerranée ; le contre-amiral Roussin, — le

  1. Voyez dans la Revue du 1er février 1886, p. 611, la capture du navire anglais la Cecilia. L’aspirant de première classe de Rabaudy fut chargé, le 15 mars 1808, de conduire cette prise à l’Ile-de-France.