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qui lui parviendra de Lisbonne, j’espère qu’elle distinguera avec bonté le nom d’un de ses membres. C’est dans cette confiance que je vous adresse ces deux mots. Veuillez, monsieur le président, y voir l’expression de l’affection respectueuse que je porte âmes confrères et dont je vous prie de vouloir bien être l’interprète auprès d’eux. »

En 1830, la vieillesse ennemie n’approchait pas encore du vaillant officier-général. Le contre-amiral Roussin était alors dans toute la force, dans toute la verdeur de sa maturité. L’avenir s’ouvrait devant lui rempli de promesses : la révolution de juillet vint brusquement fermer ces perspectives. Par bonheur, je l’ai déjà dit plus haut, si notre pays a connu, depuis l’année 1789, bien des périodes troublées, ces vicissitudes politiques, en se multipliant, ont, comme d’autres fléaux, notablement perdu de leur venin. Le gouvernement sorti des barricades ne fit de victimes que parmi ceux qui mirent leur honneur à réclamer ce rôle. Était-ce bien au moment où la flamme menaçait de gagner toute l’Europe, où la guerre étrangère semblait, pour mille motifs, prochaine et inévitable, qu’un officier de quelque valeur eût pu songer à se réfugier dans la retraite ? Ni l’amiral Duperré, ni l’amiral Roussin, ni l’amiral de Rigny, ni l’amiral de Mackau, n’apprécièrent ainsi leur devoir. Ils ne sortirent pas de nos rangs. Tout bon Français en remerciera le ciel.

Au mois de novembre 1830, le contre-amiral Roussin était appelé, en qualité de préfet maritime, à prendre la direction de notre plus important arsenal, du port de Brest. Il y trouva le choléra et l’émeute, fit avec une égale énergie face aux deux calamités, mérita les bénédictions du peuple et l’estime de tous les gens de bien. Une ordonnance du 26 avril 1831 le nomma grand-officier de la Légion d’honneur. Moins d’un mois après, il était investi du commandement des forces navales destinées à exiger du gouvernement portugais « réparation des injustices dont les Français établis à Lisbonne avaient à se plaindre. »


III

« Le monde est bien malade, monsieur l’amiral, » disait le roi Jean VI à mon père, qui, revenant de la Mer du Sud, lui était, en 1819, présenté au Brésil. En quel temps le monde n’a-t-il pas été malade ? Il semblerait vraiment que notre génération ait été la seule à souffrir des agitations auxquelles il a plu au ciel de livrer l’esprit humain. A toutes les époques de l’histoire, il y a eu des