Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 84.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celles que la marine brésilienne aurait pu vous opposer, vous avez su résister au désir, si naturel chez les Français, de triompher les armes à la main, et que vous avez préféré parvenir au même résultat d’une manière également honorable pour le pavillon de Sa Majesté, sans sacrifier aucun des bâtimens ni des marins qu’elle avait mis à votre disposition ; sans rompre les liens d’amitié qu’il importe à la France de conserver avec la seule monarchie qui existe en Amérique. »

Le contre-amiral Roussin était déjà baron : le roi voulut le nommer gentilhomme de sa chambre. Je ne dirai pas avec un des biographes de l’amiral : « Cette faveur, il ne l’avait assurément pas sollicitée ; il se montra même fort contrarié quand il apprit que le roi l’avait élevé à une distinction qui ne s’alliait ni avec les habitudes de sa vie ni avec son caractère. » J’aime à croire, au contraire, qu’il en fut très flatté.

« On ne prête qu’aux riches, » affirme le proverbe. Le contre-amiral Roussin devait l’éprouver. A peine était-il l’objet de l’attention du monarque qu’une ambition, dont il lui était bien permis de caresser secrètement la pensée, mais dont il n’eût jamais peut-être osé risquer l’aveu, se trouvait tout à coup satisfaite. Le 25 janvier 1830, l’Académie des Sciences l’appelait dans son sein par 49 suffrages sur 52 votons. Que de fois j’ai accompagné l’élu reconnaissant de l’Institut jusqu’aux portes du palais où tant d’illustrations se plaisaient à lui faire fête ! Que de fois je l’en ai vu revenir heureux et pour ainsi dire rajeuni ! C’était au temps où ses forces, prématurément affaiblies, lui annonçaient déjà l’inévitable déclin. Il oubliait tout, les affaires, les soucis, les souffrances, dès l’instant où il pénétrait dans ce temple serein de la science et de la sagesse.

Je vais anticiper sur les événemens : le moment cependant ne saurait être mieux choisi pour montrer les sentimens qui l’animaient envers une compagnie dont les membres ont tant fait pour la gloire de la France. L’entrée du Tage a été forcée : il a écrit au ministre, il a écrit à sa femme, il a écrit à sa mère. Maintenant il s’adresse au président de l’Académie des Sciences : « Monsieur le président, lui dit-il, ce n’est pas sans un peu de défiance que je prends la liberté de vous écrire. Privé depuis dix mois de la société de confrères qui commandent au plus haut degré mon attachement et mon respect, une si longue absence m’a sans doute effacé de leur souvenir : le leur m’est toujours présent, et j’éprouve souvent le désir de le leur dire. Une circonstance de quelque intérêt m’encourage : je me suis flatté qu’elle servirait de passeport à l’hommage de mes sentimens pour l’Académie. A la faveur du léger bruit