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mens distincts : une autobiographie de quatre-vingts où quatre-vingt-dix pages, écrite par Charles Darwin lui-même pour ses enfans ; des souvenirs personnels, — répartis en différens chapitres, — de ceux-ci et de son fils Francis en particulier ; enfin, — et c’est la partie la plus importante, — des lettres de Charles Darwin, depuis sa dix-neuvième année jusqu’à l’époque de sa mort, et que relie un commentaire perpétuel de F. Darwin, commentaire consistant soit en explications que les lettres ne fournissent point, soit en extraits de missives qu’il a paru inutile de citer in extenso.



I.


Charles Darwin est né le 12 février 1809, à Shrewsbury. Son grand-père, Érasme Darwin (né en 1731, mort en 1802), s’est fait un nom dans les sciences par sa Zoonomie. L’on trouve dans cet ouvrage des aperçus ingénieux, intéressans, et, chose curieuse, le germe de la théorie transformiste, qui a été l’œuvre capitale de Charles Darwin ! Le docteur Waring Robert Darwin, fils d’Érasme, père de Charles, était un homme fort distingué, sur lequel ce dernier nous a laissé des souvenirs intéressans. C’était un praticien très répandu, fort expert, — malgré l’horreur de la vue du sang, qu’il conserva toujours et transmit à son fils, — et un homme très perspicace au point de vue psychologique, que sa pénétration et son attitude générale faisaient assez redouter. Robert Waring Darwin eut six enfans, quatre filles et deux fils : les deux fils furent Érasme junior et Charles. Érasme, pour lequel son frère cadet a toujours conservé une vive et touchante affection, mourut en 1881, un an avant Charles ; — il était de santé très débile et vécut inoccupé. Sur l’enfance de Charles Darwin, les premières pages de l’autobiographie nous fournissent quelques données intéressantes :


Ma mère mourut en juillet 1817 ; j’avais un peu plus de huit ans, et il est étrange que je ne puisse rien me rappeler à son sujet, si ce n’est son lit de mort, sa robe de velours noir et sa table à ouvrage curieusement construite. Dans le printemps de la même année, je fus envoyé comme élève externe à une école de Shrewsbury, où je restai un an. J’ai entendu dire que j’apprenais beaucoup plus lentement que ma plus jeune sœur Catherine, et je crois qu’à divers points de vue j’étais un méchant garçon. À l’époque où j’allai à cette école, mon goût pour l’histoire naturelle, et plus spécialement pour les collections, était bien développé. J’essayais d’apprendre le nom des plantes, et je collectionnais toute sorte de choses, coquilles, sceaux, timbres, médailles, minéraux.

Cet amour de la collection, qui fait d’un homme un naturaliste