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cherche plus, comme autrefois, à briser les machines nouvelles, cause présumée de la misère présente. Mais pour remédier à la misère, au manque de pain, à l’insuffisance du gain, à l’absence du bien-être pour les ouvriers on demande une diminution légale de la durée du travail quotidien, à mesure des progrès de la technologie. Introduisez la journée de travail minimum, le Normalarbeitstag, et vous aurez la panacée du mal social ! « Nous pouvons déclarer tranquillement, dit, au nom des députés socialistes au Reichstag, M. Grillenberger, que la journée de travail normale doit être le fondement de toute réforme sociale réellement utilisable et libérale, ne reposant pas sur un charlatanisme de socialisme d’état… La limitation de la journée de travail doit apporter et apportera aux classes ouvrières une augmentation des salaires. » Or, nous l’avons vu, la durée de la journée de travail, suivant la motion socialiste, doit être réduite à dix heures au maximum. Si les signataires n’exigent pas la réduction à neuf ou huit heures au plus, c’est par raison d’opportunité, afin de rallier la majorité dans le parlement. Autrement ils demanderaient davantage ; car, dans leur conviction, les progrès mécaniques sont assez avancés pour suffire avec huit heures de travail par jour aux besoins du marché allemand. Sous l’effet de la réduction de la journée de travail à huit heures, « le marché de l’Allemagne ne serait pas constamment inondé de marchandises, tandis que ceux qui produisent ces marchandises sont alimentés avec des salaires de meurt-de-faim, et par suite, ne se trouvent pas en état de consommer ce qu’ils ont fait de leurs mains laborieuses. » Dès maintenant, d’ailleurs, une partie des États-Unis d’Amérique a appliqué la limitation du travail quotidien à huit ou neuf heures. Plus tard, tous les pays civilisés pourront s’entendre sur une réglementation commune par convention internationale, de manière à garantir chacun en particulier contre les excès ou les préjudices de la concurrence étrangère.

Désireux de protéger les ouvriers dans la mesure du possible, sans suivre dans toute leur étendue les propositions des démocrates socialistes, les groupes conservateurs et le centre catholique demandent de fixer à onze heures la durée maximum de la journée de travail dans les exploitations industrielles régulières. Au lieu d’adopter six ou sept heures du matin, avec les socialistes, pour l’ouverture des établissemens, ils permettent de commencer le travail à cinq heures et demie, avec la limite de huit heures et demie du soir pour la clôture. Le travail de nuit se trouve ainsi interdit, pour tous les ouvriers, par le fait de la fermeture des ateliers à huit heures et demie du soir au plus tard, sauf dans les établissemens à feu continu et dans les mines. Ni les mines ni les hauts-fourneaux ne devant plus employer de femmes, celles-ci ne seront plus nulle