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ne suivit pas à bord du Victor ce capitaine rentré d’une façon aussi inespérée en possession d’un navire valeureusement défendu ; le sort lui réservait mieux. Le 11 janvier 1810, Roussin embarquait sur la frégate la Minerve, commandée par le capitaine de frégate Bouvet.

Le général Decaën demandait par tous les courriers, demandait avec une insistance croissante des renforts. Le capitaine Duperré se chargea de lui en fournir aux dépens de l’ennemi. Parti de Saint-Servan avec une seule frégate, la Bellone, au mois de février 1809, arrivé à l’Ile-de-France le 14 mai, en croisière dès le 17 août, Duperré rentrait au Port-Louis, le 2 janvier 1810, à la tête d’une division. Le Victor et la frégate portugaise la Minerve, capturée après une heure quarante-cinq minutes de combat, faisaient cortège à l’ancien commandant de la Sirène. Jadis sur la Sirène, Duperré, à l’entrée de Lorient, avait bravé la volée d’un vaisseau de ligne : combattre des frégates ne lui semblait plus qu’un jeu. L’emphase et la déclamation me font justement horreur, et pourtant comment rester froid devant les beaux faits d’armes que j’aurai tout à l’heure à raconter ! « Je vais, se hâtait d’écrire au ministre le général Decaën, mettre le commandant Duperré à même de trouver de nouvelles occasions de s’illustrer. » Ces occasions-là vont volontiers au-devant de ceux qui les courtisent. « On n’est pas constamment heureux, me disait l’amiral Lalande, sans qu’il y ait pour cela quelque raison. »

Le 14 mars 1810, la Bellone, accompagnée de la Minerve et du Victor, pour lesquels le général Decaën sut faire, en quelques jours, sortir des équipages d’un sol tout brûlant d’enthousiasme, la Bellone reprenait la mer : le 20 août, ce n’étaient plus trois bâtimens, mais cinq, qui se présentaient, sous pavillon français, à l’entrée du Grand-Port. Deux vaisseaux de la compagnie, le Ceylan et le Windham, commandés, le premier, par l’enseigne de vaisseau Moulac, de la Minerve, le second, par un officier de la Bellone, avaient, après une résistance opiniâtre, changé de maîtres.

On ne raconte plus la bataille d’Austerlitz : à qui pourrait-on avoir la prétention d’apprendre aujourd’hui les incidens qui ont marqué le combat du Grand-Port ? Ce combat-là, il est dans toutes les mémoires : il défraie les entretiens du gaillard d’arrière ; il demeurera longtemps encore la légende favorite du gaillard d’avant. Je ne puis pas cependant le passer tout à fait sous silence ; je me contenterai d’en abréger les détails. Les Anglais, pendant l’absence de la division Duperré, s’étaient emparés, le 9 juillet 1810, de l’Ile Bourbon ; le 14 août, ils surprenaient et occupaient, à l’entrée du Grand-Port, le fort bâti sur l’Ilot de la Passe. Du Bengale, de