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ses adversaires, en interdisant les journaux, en réduisant à l’impuissance toute tentative sérieuse d’opposition. Malgré tout, il est vrai, ces élections ne se sont pas passées sans troubles. Sur plus d’un point, à Plewna, à Rakovitza, à Kutlovitza, dans d’autres villes encore, il y a eu des résistances, des rixes sanglantes; il y a eu en définitive bon nombre de morts et de blessés. Le gouvernement a eu facilement raison de la sédition par les armes, comme il avait eu raison d’avance de l’opposition légale par d’autres moyens, et, somme toute, il est resté maître du terrain. Il a fait élire qui il a voulu ; il a eu même la générosité libérale de laisser nommer quelques députés de l’opposition, pour avoir une minorité. Il a ainsi son assemblée soumise, qui s’empressera de sanctionner une fois de plus l’élection du prince Ferdinand de Cobourg. C’est fort bien ! Malheureusement, on n’est pas plus avancé.

La vraie question n’est pas à Sofia, dans des élections d’une sincérité plus que douteuse : elle est à Constantinople et dans toutes les chancelleries de l’Europe; elle se débat d’abord entre la Russie et la Porte, toujours occupées, depuis quelque temps, à négocier sur les moyens de rétablir l’ordre légal à Sofia comme à Philippopoli. La Russie propose l’envoi à Sofia d’un lieutenant princier qui serait un général russe, avec un commissaire ottoman, pour présider à la réorganisation du pays, à des élections nouvelles, pour préparer le choix définitif d’un nouveau prince. La Porte hésite encore et fait des objections sur la nature, sur les limites de cette mission restauratrice. La Russie et la Porte finiront-elles par se mettre d’accord? L’accord fût-il établi entre elles, le cabinet de Saint-Pétersbourg et le divan réussiront-ils à rallier les autres puissances à leur proposition? Enfin, si toutes les puissances en viennent à une entente, comment s’exécutera leur résolution? Si elles ne s’entendent pas, la Russie se croira-t-elle déliée de ses engagemens et prendra-t-elle la responsabilité d’une action directe, décisive en Bulgarie? La vraie, la sérieuse question est là et non à Sofia, dans des élections qui ne sont qu’une comédie imaginée pour spéculer sur les divisions de la diplomatie, sur la situation embarrassée de l’Europe.

La Hollande, dans sa modeste et paisible existence, n’a point de ces problèmes et de ces crises. Elle a eu récemment, elle aussi, cependant, ses émotions intérieures pour l’élection de chambres nouvelles, appelées à compléter la révision constitutionnelle déjà votée en première lecture par le parlement qui existait il y a quelques semaines, et tout s’est passé aussi régulièrement que possible. En réalité, ces élections ont peu modifié la composition du parlement de La Haye. Les libéraux ont retrouvé dans la seconde chambre leur majorité : ils comptent près de cinquante élus; la minorité, qui se compose de catholiques et d’ultra-protestans, compte une quarantaine de voix. Dans la première