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Un énorme développement des échanges eut lieu entre l’époque de Constantin et les premières croisades, puisqu’il y eut un moment où le budget de l’empire d’Orient atteignait 3 milliards.

Les luttes intestines du bas-empire amenèrent peu à peu sa décadence, que l’approche des musulmans et l’arrivée des bandes de croisés précipita. Les croisades, en détruisant l’empire grec, préparèrent la conquête de Constantinople par les Ottomans; en même temps, elles mirent les Grecs hors d’état de fournir des navires de guerre aux empereurs; la force maritime passa aux navigateurs latins, notamment aux Vénitiens et aux Génois. Avec la puissance navale, ces républiques acquirent la prépondérance commerciale; car elles étaient chez elles administrées par des industriels et des marchands, aussi bien que Florence et les autres petits états de l’Italie. C’est durant cette période assez voisine de nous que l’Asie, devenue musulmane et livrée à la servitude, se dépeupla, perdit ses industries, cessa d’être cultivée, se transforma en une sorte de désert. C’est alors aussi que se forma le long de ses rivages cette zone de commerce maritime où se résume encore tout le mouvement d’affaires du Levant.

Quand les grandes monarchies d’Occident arrivèrent à leur tour, elles trouvèrent les négocians italiens en possession de toutes les places. Tandis que les Espagnols fréquentaient l’Atlantique et que les Portugais se rendaient aux Indes par le Cap, l’empire turc se consolidait sur le Bosphore, étendant un bras sur la Mer-Noire, l’autre sur la mer Egée, la Grèce et la côte d’Afrique, sans compter l’Égypte et la Syrie. L’orient de l’Europe lui appartenait; par le Danube, il menaçait la Hongrie et Vienne même. Au commencement du XVIe siècle, le grand-seigneur, maître de Constantinople depuis cinquante ans, était à la tête d’un empire solidement assis, qu’aucun potentat de l’Europe, pas même le pape, ne regardait sans terreur. Le sultan tenait dans sa main tous les fils qui font mouvoir une société et le sabre qui en calme les agitations. Mais les Turcs ne connaissaient pas la mer; la marine grecque n’existait plus; les états italiens étaient riches, mais petits, faibles et opprimés par les descendans de leurs anciennes maisons de commerce et de banque. Marseille, le grand port de la Gaule sur la Méditerranée, venait d’être réuni à la France sur la (in du siècle précédent. L’occasion était belle et s’offrait d’elle-même.

In traité d’alliance, conclu entre Soliman II et François Ier, « rendit les Français maîtres du commerce du Levant. Le pavillon français pouvait seul être admis dans les ports de l’empire ottoman ; il servait aussi de tuteur à tous les autres peuples maritimes en relation