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et les corrigeant de même à l’occasion. « Ah ! polisson ! leur disait le vladyka, du divan où il restait étendu, je vais te donner une leçon. Qu’on apporte les verges; déshabille-toi ! » Et, séance tenante, le prêtre ou le diacre, ainsi apostrophé, devait enlever sa soutane. On l’étendait à terre à demi nu : quatre hommes tenaient le patient par les quatre membres aux pieds de Monseigneur, de façon que l’œil épiscopal pût mesurer les coups. Des prêtres étaient parfois, sur l’ordre de l’évêque, contraints de tenir leur confrère, pendant que les verges lui étaient administrées par les gens du prélat, et cela devant tout le monde. Le châtiment était cruel, le sang coulait. La loi qui exemptait le clergé du service militaire n’était guère mieux respectée des chefs ecclésiastiques ; pour faire d’un prêtre un soldat, ils n’avaient qu’à le déposer. Encore sous Nicolas, un certain Mgr Eugène, évêque de Tambof, avait ainsi fait raser et incorporer dans l’armée nombre de ses popes. En une seule fois, il avait envoyé au régiment toute une fournée de prêtres et de séminaristes. S’ils ne sont plus fouettés pour une peccadille ou enrégimentés sur un caprice épiscopal, les popes peuvent toujours être emprisonnés sur une sentence de leur évêque et de son consistoire. Ils peuvent aussi (et, avec eux, parfois les laïques) être condamnés à « la pénitence ecclésiastique. «Dans ce cas, c’est un couvent qui sert de geôle ; les clercs ainsi punis sont d’ordinaire internés dans un monastère. L’église a ses prisons aussi bien que ses tribunaux. La forteresse de Souzdal a ainsi été transformée en maison de détention pour les membres du clergé; elle avait encore pour commandant, il y a quelques mois, un moine, l’archimandrite Dosithée.

L’état et l’église ont un intérêt manifeste à relever la situation du clergé. D’Alexandre Ier à Alexandre III, il n’est pas un souverain qui ne s’en soit occupé. C’est une de ces questions qui, à chaque règne, reviennent à l’ordre du jour. L’empereur Alexandre II avait montré le prix qu’il attachait à cette œuvre, en suivant pour elle une marche analogue à celle qu’il avait adoptée pour l’affranchissement des paysans. C’était une autre émancipation qui avait tenté le libérateur des serfs. Dès 1862, il avait formé, dans ce dessein, une commission composée de membres du saint-synode et de hauts fonctionnaires. Ces études, poursuivies durant tout le règne du tsar libérateur et reprises sous son successeur, n’ont pas produit tout ce qu’on en avait espéré ; elles n’ont pas cependant été sans résultats.

Pour accroître les ressources des ministres de l’autel sans augmenter les charges de l’état ou des fidèles, on avait mis en avant un procédé en apparence fort simple : c’était d’élever les revenus du clergé en en réduisant le personnel. Jusqu’aux premières années