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sont nombreux. En certaines régions, vers l’extrême nord, vers l’Oural ou le Caucase, l’on se contente souvent de recueillir les rayons des essaims en liberté. Sauvages ou domestiques, les innombrables abeilles de l’immense empire travaillent avant tout pour le Christ et pour ses saints. Des 50 millions de kilogrammes de cire qu’elle récolte annuellement, la Russie consomme la plus grande partie dans ses églises. Autrefois, la confection des cierges était abandonnée à l’industrie privée. Aujourd’hui, l’église, en bonne ménagère, s’en charge souvent elle-même. Nombre d’évêques ont leur fabrique diocésaine; plus d’un couvent a également la sienne. De cette façon, tout le produit de cette pieuse industrie revient à Dieu et à ses ministres. Je ne sais exactement combien de millions rapportent au clergé la vente et la fabrication des cierges. Toujours est-il que c’est un de ses principaux revenus. Aussi, l’une des questions les plus agitées dans le monde de l’église a-t-elle été celle de la répartition du produit de cette vente. Le plus net de ce saint trafic va encore, croyons-nous, au saint-synode et aux écoles ecclésiastiques.

A l’inverse du prêtre catholique, le pope ne peut guère compter parmi ses ressources les honoraires de ses messes. On dit bien la messe pour les morts, surtout aux anniversaires funèbres, mais l’usage n’est point d’en multiplier la répétition. Les dispenses de jeûne et de carême ne sont non plus d’aucun secours pécuniaire pour le diocèse ou les paroisses. L’orthodoxie orientale, pour ses quatre carêmes, ne donne pas de dispenses, chacun les observe suivant sa conscience; au jeûne, elle ne substitue point l’aumône. L’église gréco-russe a dû chercher d’autres sources de revenus. Obligée de faire vivre de l’autel un clergé pourvu de famille, on comprend qu’elle en soit arrivée à faire argent de tout, et qu’aucune de ses cérémonies, aucun de ses sacremens ne soit gratuit. Les inconvéniens d’une pareille pratique, pour la dignité du clergé, n’échappent pas aux autorités ecclésiastiques. Elles voudraient en affranchir au moins les deux sacremens demeurés entièrement gratuits dans l’église latine : la confession et la communion. En 1887, le saint-synode a résolu d’interdire aux pénitens de remettre de l’argent dans la main du prêtre, ou de lui en laisser sur une table après la confession. Il a de même décidé de supprimer l’usage, pour nous assez bizarre, de déposer une offrande sur un plat en buvant du vin chaud après la communion. Pour remplacer cette branche de revenus, le saint-synode a ordonné de placer dans les églises des troncs spécialement destinés à recueillir les dons des fidèles qui viennent faire leurs dévotions. Cette mesure a été appliquée à Moscou, dès 1887, durant la semaine sainte. Comme il fallait s’y attendre, la recette a été en notable déficit sur les années précédentes. Il s’est rencontré des orthodoxes qui ont jeté dans les troncs des boutons et des