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de 1813 et les contributions échues de l’année courante. Les percepteurs, ainsi d’ailleurs que tous les fonctionnaires publics, étaient tenus de servir les alliés comme ils avaient servi le gouvernement français. Nombre d’agens de l’administration ayant pris la fuite, les généraux nommaient à leur place d’autres personnes qui devaient, sous peine de déportation immédiate, accepter les fonctions qu’on leur attribuait[1].

Les réquisitions, c’était bien pour faire vivre et même pour habiller l’armée à peu de frais ; ce n’était pas assez pour contenter les soldats. À mesure que les coalisés pénétrèrent plus avant dans le pays et surtout à leurs premiers revers, ils marchèrent avec le pillage, le viol et l’incendie. « Je croyais, dit un jour le général York à ses divisionnaires et brigadiers, avoir l’honneur de commander un corps d’armée prussien ; je ne commande qu’une bande de brigands. » Souvent, il faut le reconnaître, la soldatesque agissait à l’encontre des proclamations et des ordres du jour des généraux, et malgré les efforts des officiers. Par malheur, ces belles proclamations et ces sévères ordres du jour étaient imprimés en français. Les Cosaques, les Baskirs, les Kalmouks n’entendaient pas cette langue, et les affiliés du Tugen Bund affectaient de l’avoir oubliée. D’autre part, au milieu de cette foule d’hommes de différentes nations et en raison des divisions qui régnaient entre eux, l’autorité des officiers était presque nulle. Même les sauvegardes écrites n’étaient point respectées. Détail comique, un maire des environs de Pont-sur-Yonne, mandé chez un général, fut dépouillé de ses souliers par le factionnaire, à la porte du quartier-général, et dut entrer nu-pieds dans le salon. Le prince de Metternich affectait de s’apitoyer sur les misères

  1. Dispositions générales comprenant, l’administration des départemens conquis ou à conquérir par le, feld-maréchal Blücher : « Pour préserver les départemens de l’anarchie, anarchie produite par l’éloignement des autorités, ordonné par l’empereur Napoléon, et qui pourrait devenir dangereuse, arrête : Les fonctionnaires qui auront pris la fuite seront remplacés ; ceux qui resteront administreront avec l’intendant prussien. » Signé Ribbentropp, commissaire-général des guerres des armées prussiennes. Nancy, 17 janvier. — Rileyew, gouverneur-général de Laon, ajoute : « Tout habitant qui, appelé à remplir une place, n’entrerait pas en fonctions dans les vingt-quatre heures, serait transporté dans une forteresse au-delà de la Vistule pour y expier l’anarchie dont il serait considéré comme fauteur. » — À Troyes, le prince de Hohenlohe menaçait les récalcitrans non pas de « la déportation au-delà de la Vistule, » mais tout simplement de la peine de mort. — Voici le serment qui était exigé de ces fonctionnaires malgré eux : « Je promets fidèlement et légalement de ne rien faire publiquement, ni clandestinement, ni directement, ni indirectement, qui soit contraire à la sûreté ; des puissances alliées. Je promets, de même, de suivre avec zèle et activité les ordres qui me parviendront du quartier-général, sans restriction ni réserve » quelconques. »