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impôts seront diminués, vos enfans seront rendus à l’agriculture et remis dans vos bras…[1]. »

La paix, la suppression des impôts et l’abolition de la conscription, les partisans des Bourbons ne devaient pas se borner à faire valoir ces argumens, les meilleurs qui fussent, selon l’esprit de la population, en faveur du droit divin. Bientôt, comme les Vitrolles, les d’Escars et les Polignac, ils allaient renseigner les états-majors alliés sur l’opinion et les moyens de défense de Paris ; comme Lynch, comte de l’empire, ils allaient livrer Bordeaux aux Anglais ; comme le chevalier de Rougeville, « plein de zèle pour les alliés[2], » et comme le chevalier Brunel, « prêt à mourir pour les Cosaques, » ils allaient guider les colonnes ennemies dans leur marche contre l’armée française[3].

Les Bourbons, de leur côté, ne restaient pas inactifs. Encouragés par les nouvelles qui leur arrivaient de Paris, par les articles des journaux anglais et même allemands qui préconisaient et annonçaient

  1. Proclamation du roi aux Français (s. l. n. d.). — Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, aux Français (s. l. n. d.). Bibliothèque nationale, 1. B, 44,594. — Ce sont ces proclamations ou des paraphrases de ces proclamations, toutes deux écrites en 1813, qui furent affichées et colportées. En février et en mars, ce furent la nouvelle proclamation de Louis XVIII (Hartwell, 1er janvier 1814), la proclamation du comte d’Artois (Vesoul, 27 février), puis celle du duc d’Angoulême (Bordeaux. 15 mars). Quelques extraits valent aussi d’être cités : « Les places seront conservées à ceux qui en sont pourvus, dit Louis XIII. Le Code souillé du nom de Napoléon restera en vigueur. Le sénat sera maintenu… Le roi prend de nouveau l’engagement d’abolir cette conscription funeste qui détruit le bonheur des familles et l’espérance de la patrie. » — « Plus de tyran, plus de guerre ! dit le comte d’Artois ; plus de guerre, plus de droits réunis ! » — « Les puissances alliées, dit le duc d’Angoulême, convaincues qu’il n’y a de repos pour la France et leurs peuples que dans une monarchie tempérée, ouvrent les voies du trône au fils de saint Louis… Je proclame au nom du roi qu’il n’y aura plus de conscription ni d’impôts odieux ! » — Il est inutile de dire que la conscription et les droits réunis ne furent pas abolis, mais il est intéressant de rappeler que, par ordonnance du comte d’Artois et de Louis XVIII, des 17 avril et 9 mai, furent maintenues pour cette année 1814 toutes les contributions ordinaires et extraordinaires que Napoléon avait décrétées dictatorialement.
  2. Le chevalier de Rougeville, qu’Alexandre Dumas a rendu populaire sous le nom de Maison-Rouge, fut fusillé à Reims le 7 mars, comme « atteint et convaincu d’espionnage. » (Corbineau à Napoléon. Reims, 8 mars. Arch. nat., AF, IV, 1,670.) — Voici, du reste, la lettre de Rougeville au prince Wolkonsky qui motiva la sentence de la cour martiale : « Mon prince, j’ai guidé vos reconnaissances le 17 février à Épernay, le 23 à Villers-Cotterets. Je suis plein de zèle pour vos armées. J’ai guidé volontairement des Cosaques comme ancien officier de cavalerie. Si Votre Altesse a la bonté d’apprécier le zèle et l’ardeur qui me guident pour ses armes.. »
  3. Récit des événemens de Pont-sur-Yonne, le 11 février 1814, par le chevalier Brunel, br. in-8o, 1816. « … Alors, séduit, enthousiasmé au nom des Bourbons, je répondis au prince de Wuttgenstein que j’étais prêt à mourir pour les Russes et que j’indiquerais le chemin pour tourner Nogent. » — Les habitans de Nogent qui furent si abominablement pillés, durent se féliciter du dévoûment aux Bourbons du chevalier Brunel.