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funérailles à Hébron. Lui-même suivit le cercueil, pleura à haute voix sur le tombeau et composa une élégie pour Abner, comme il en avait composé une pour Jonathas. On n’en a conservé qu’un couplet, qui a l’air par momens d’impliquer un peu d’ironie.


Fallait-il qu’Abner mourût comme un misérable!
Tes mains pourtant, mon cher, n’étaient pas garrottées,
Tes pieds n’étaient pas pris aux entraves d’airain;
Tu es tombé comme on tombe devant les scélérats.


David affecta d’être inconsolable. Il fallut le forcer de prendre de la nourriture. Quelques-uns purent trouver singulier que, nonobstant ce désespoir, il ne tirât aucune punition de Joab. David fit observer que, bien que roi, il n’avait pas grand pouvoir, que ces gens-là (les fils de Serouïa) étaient plus forts que lui, et il adjurait Iahvé de les punir. On crut ou feignit de croire à sa sincérité, et on l’approuva sans réserve. En réalité, tout le profit de l’assassinat fut pour lui. Abner eût été pour sa politique un grand embarras, et, d’ailleurs, la mort de ce chef de bandes était le dernier coup porté au parti d’Isbaal.

Ce malheureux, à Mahanaïm, était abandonné de tous. Il fut assassiné, pendant sa sieste, par deux Benjaminites de Beëroth, qui apportèrent sa tête à Hébron. David éclata comme toujours en propos indignés, ordonna de couper les pieds et les mains aux deux assassins, puis les fit mettre en croix près du réservoir d’Hébron. La tête d’Isbaal fut mise dans le tombeau d’Abner. Son règne chancelant avait duré à peu près deux ans.

Grâce à ce second meurtre, dont David déclinait si énergiquement la responsabilité, la royauté d’Israël était définitivement faite. Le fils d’Isaï avait réussi; son trône était fondé pour près de cinq cents ans. Les tribus vinrent lui faire leur soumission à Hébron. « Nous sommes tes os et ta chair, lui dirent-elles. Déjà autrefois, quand Saül était roi, c’était toi qui menais Israël au combat. C’est à toi que Iahvé a dit : « Tu feras paître mon peuple et seras prince sur Israël. » Le pacte fut scellé par des sermons. David reçut l’onction d’huile et fut, à partir de ce moment, une chose inviolable et sacrée.

Ainsi, ce que n’avaient pu faire ni Ephraïm, ni Galaad, ni Benjamin, Juda le réalisa pleinement. Hébron devint la capitale d’Israël. David continua d’y résider encore cinq ans et demi. Sa famille commença de s’y fonder. Il contracta des alliances, en particulier avec Talmaï, roi de Gésur, dont il épousa la fille Maaka. Ahinoam lui donna son fils aîné, Amnon. Abigaïl lui donna Kileab (ou Delaïa).