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expéditionnaire. Quand on rencontra les traînards de Besor, l’affaire fut vive. Les vauriens qui avaient fait partie de l’expédition ne voulaient rendre aux traînards que leurs femmes et leurs enfans. David estima que les anciens propriétaires des objets volés avaient perdu leurs droits. Mais il fit admettre en principe que ceux qui restaient avec le bagage devaient avoir la même part du butin que ceux qui allaient à la bataille. Ce principe fut dès lors établi comme une règle absolue en Israël.

David s’attribua un préciput considérable, sur lequel il envoya de beaux cadeaux à ses amis de Juda, aux anciens des villes, en particulier à ceux d’Hébron, d’Estemoa, de Horma. Les Kénites et les Jérahmélites ne furent pas oubliés. Enfin, la ville sainte de Béthel eut sa part. Cette heureuse razzia eut ainsi de graves conséquences. Jusque-là, David avait été très pauvre. Le butin fait sur les Amalécites lui mettait dans la main de grandes richesses. Ambitieux comme il l’était, il ne vit dans ces richesses qu’un moyen d’augmenter son influence. Juda fut bientôt gagné. Les anciens des villes étaient tous devenus ses amis. Comment, d’ailleurs, ne pas reconnaître qu’un homme qui réussissait si bien devait être, comme son nom l’indiquait, le « favori de Iahvé ? »

Ce qu’il y avait surtout d’extraordinaire dans sa fortune, c’est que ses adversaires mouraient juste au moment qu’il fallait pour son plus grand bien. Saül et Jonathas disparurent en même temps, à l’heure même que les partisans de David pouvaient secrètement désirer. A la nouvelle de la trouée hardie que les Philistins faisaient du côté de Jezraël, Saül partit de Gibéa avec son fils, et se porta bravement vers le nord. Les deux armées se rencontrèrent au-dessus de Jezraël. L’état moral de Saül était on ne peut plus mauvais. Les effets de l’erreur religieuse prolongée se faisaient sentir chez lui d’une manière désolante. A force de chercher à tout propos la volonté de Iahvé dans les réponses de l’urim et tummim et par d’autres moyens non moins frivoles, il était devenu incapable de décision. Samuël, qui, pendant qu’il vécut, fut son nabi toujours redouté, était mort à Rama, sans laisser aucun héritier de son autorité spirituelle. Samuël, à diverses reprises, avait trouvé des rivaux qui lui disputèrent l’esprit faible de Saül ; c’étaient les nécromanciens, les sorciers, les ventriloques. Ces puériles illusions avaient de la vogue chez les gens simples. Le parler sourd et lointain du ventriloque, paraissant venir d’un autre monde, était considéré comme la voix des refaïm, menant sous terre leur triste vie. Comme tous les peuples simples, dominés par des illusions grossières, les Israélites croyaient aux revenans, aux voix, aux esprits. On attribuait à certaines personnes, surtout à des femmes, le pouvoir de se mettre en rapport avec les ombres des morts et