Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/783

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le protecteur des gens qu’il ne pille pas, les gens de David firent un jour remarquer à Nabal que jamais une pièce de son troupeau n’avait manqué, ce qui, de la part de voisins affamés, n’était pas un mince mérite. Nabal fut impertinent ; Abigaïl, sa femme, arrangea tout par sa politesse. Nabal mourut à propos, quelques jours après, et David épousa Abigaïl. Il épousa encore une autre femme de ces parages, nommée Ahinoam. Mikal n’avait pas suivi David dans son exil. Une femme, d’après les idées du temps, ne devant jamais être sans mari, son père l’avait donnée à un de ses officiers de la tribu de Benjamin.

Un fait de la vie errante de David, beaucoup plus difficile à justifier, est son séjour chez les ennemis les plus acharnés de sa patrie, chez les Philistins. Rien n’est pourtant plus certain : David passa seize mois, avec ses six cents hommes et ses deux femmes, chez Akis, fils de Maok, roi de Gath. On assigna pour résidence aux Judaïtes fugitifs le bourg de Siklag, qui, à partir de ce moment, devint une sorte d’enclave dans le pays des Philistins, et appartint aux rois de Juda, comme une concession à perpétuité. Cela faisait une petite colonie israélite complète. Abiatar, avec son éphod, y représentait le culte de Iahvé, dans la principale de ses applications, qui était de conseiller en vue de l’avenir.

De Siklag, David dirigea des expéditions de pillage et de massacre contre les peuplades nomades du désert de Pharan, surtout contre les Amalécites. Ces populations étaient amies des Philistins et ennemies d’Israël. David ne croyait donc pas manquer au patriotisme en leur faisant tout le mal possible. Craignant, d’un autre côté, que ces massacres de tribus amies ne déplussent aux Philistins, il prenait la précaution de tuer tout, hommes, femmes et enfans. Il n’amenait à Gath comme butin que des troupeaux et des objets volés. Puis, quand Akis lui demandait contre qui il avait dirigé sa dernière razzia, il répondait : «Du côté du Négeb de Juda, » ou « des Jérahmélites, » ou « des Kénites,» populations amies d’Israël. Akis était fort content ; car il profitait du butin et se disait que, par de tels exploits, David se rendait odieux à ses compatriotes, ce qui le forcerait de rester éternellement à son service.

La situation devint plus embarrassante encore, quand Akis fit part à David de l’intention qu’il avait de faire une expédition contre les Israélites, et le nomma garde de sa propre personne. David répondit d’une manière évasive. Il s’agissait d’une vraie guerre, bien différente des coups de main qui avaient précédé. Ceux-ci n’avaient porté que sur les localités proches des villes philistines ; cette fois, au contraire, l’armée des Philistins se dirigea vers la plaine de Jezraël, avec l’intention de s’y établir d’une manière durable, ainsi