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pénates en bois entraient, on le voit, jusque dans les maisons qu’on devait supposer les plus adonnées au iahvéisme pur. Personne encore n’en faisait l’objet d’un blâme et ne voyait dans ces dieux sculptés une injure à Iahvé.

David fut ainsi jeté dans une existence errante, où sa fécondité de ruses trouva de fréquentes occasions de s’exercer. Cette période de sa vie fut remplie d’aventures sur lesquelles l’imagination des conteurs s’exerça. On se complut surtout à mettre en saillie les services que Jonathas aurait rendus au disgracié et les épreuves que subit la fidélité des deux amis. Beaucoup de ces épisodes purent être écrits d’après les récits de David lui-même, qui probablement prenait plaisir, sur ses vieux jours, à raconter certaines prouesses que lui seul pouvait savoir : comment, par exemple, sa femme Mikal l’avait sauvé; comment, dans la caverne d’Engaddi, il eut la vie de Saül dans sa main et se contenta de lui couper, sans qu’il s’en aperçût, un pan de son manteau ; comment il se sauva de chez Akis, roi de Gath, en contrefaisant le fou, selon une ruse assez familière aux Orientaux.

La vie du banni et celle du bandit ne différaient pas, dans l’antiquité. David, sans asile sûr, vint se cacher dans une grotte près d’Adullam. Ses frères et plusieurs de ses parens vinrent de Bethléhem l’y rejoindre. La caverne devint bientôt un repaire de brigands. Tous les gens qui étaient mal dans leurs affaires, ou qui avaient des créanciers, les mécontens de toute espèce, en un mot, le prirent pour leur chef, et il fut bientôt à la tête d’une bande de quatre cents compagnons. Ce fut le noyau des Gibborim ou forts de David. Ces guerriers vivaient de maraude; ils étaient dans la période de la vie épique où le héros pille encore le pays qu’il doit plus tard protéger.

La plus grande partie de la famille de David était restée à Bethléhem ; elle se trouvait ainsi sous la main de Saül, et David craignait pour elle les plus sanglantes représailles. Il trouva moyen de la conduire dans le pays de Moab, et il la mit sous la sauvegarde du roi de ce pays. Puis il revint à sa caverne d’Adullam, où il se fortifia. Mais le prophète Gad le dissuada d’y rester. Adullam était trop rapproché des cantons où Saül régnait en maître. Dans l’intérieur de la tribu de Juda, au contraire, l’autorité de Saül était à peine reconnue. Gad lui conseilla de s’y rendre. effectivement, David alla se cacher, avec ses brigands, dans la forêt de Héret.

Un cruel incident vint bientôt envenimer la lutte et la porter aux atrocités. Un des endroits où le culte tendait à se centraliser était le village de Nob, au nord de Jérusalem. Il y avait là une tente sacrée, peut-être déjà un commencement de construction, avec un