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où se lit cette maxime[1] n’est pas une des moindres preuves de la haute signification constitutionnelle qu’on lui donnait.


II.

Saül paraît avoir régné une vingtaine d’années sur Israël. Sa femme légitime était Ahinoam, fille d’Ahimaas ; elle lui donna quatre fils, dont deux seulement jouèrent un rôle. Il eut, en outre, plusieurs concubines, qui créèrent, à Gibéa, d’assez nombreuses lignées collatérales de Saülides.

Saül n’eut pas de capitale proprement dite. Il demeurait habituellement dans son bourg d’origine, à Gibéa de Benjamin, qui fut de lui appelée Gibéa de Saül. Il menait là en famille, sans aucun faste ni cérémonial, une simple vie de paysan noble, cultivant ses champs, quand il n’était pas en guerre, ne se mêlant du reste d’aucune affaire. Sa maison avait une certaine ampleur. A chaque nouvelle lune, il y avait des sacrifices et des festins, où tous les officiers avaient leur place marquée. Le siège du roi était adossé au mur. Il avait, pour exécuter ses ordres, des râcim, « coureurs, » analogues aux chaouch de l’Orient moderne. Du reste, rien qui ressemblât à une cour. De superbes hommes du voisinage, plus ou moins ses parens, comme Abner, lui tenaient compagnie. C’était une espèce de noblesse rustique et militaire à la fois, solide pierre angulaire, comme on en trouve à la base des monarchies durables. Mais l’insuffisance de l’homme rendit tout inutile. La royauté était fondée ; mais la dynastie n’était pas trouvée : on n’était pas sorti encore de la période des tâtonnemens.

A une époque plus moderne, on présenta le règne de Saül comme perpétuellement traversé par des difficultés venant de Samuël. Le vieux prophète, qui était censé n’avoir fait la royauté que malgré lui, aurait essayé de retirer en détail ce qu’il avait été obligé d’accorder. C’est là, nous le répétons, un récit conçu au point de vue théocratique d’un âge postérieur. Rien, dans les textes vraiment historiques, ne prouve que Samuël ait voulu nuire à Saül. Quelle eût été la cause de cette opposition? Saül ne chercha jamais à empiéter sur le rôle prophétique de Samuël ; son pouvoir fut tout militaire ; il n’innova rien en religion. Son iahvéisme ne paraît pas avoir été fort rigoureux; mais celui de Samuël l’était-il davantage? L’éclectisme théologique était encore très large en ce temps. Des prêtres de Iahvé s’appelaient Ahimilik, et on a pu se demander si ce n’est pas le même prêtre qui s’appelle ici Ahiah, là Ahimilik.

  1. Deutér., XXXIII, 5 (Bénédictions de Moise).