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comme une déclaration de guerre ou un appel à la sédition, comme une audacieuse prise de possession du règne. Peu s’en est fallu que la république n’ait été du coup déclarée en danger! Ces prétendus sauveurs de la république sont plaisans avec leurs fureurs. Ce sont les radicaux eux-mêmes qui ont fait à M. le Comte de Paris cette position à la fois douloureuse et privilégiée dont ils s’effraient aujourd’hui. Ce sont les lois d’exil imposées par eux à un ministère complaisant qui ont désigné le prince comme le représentant unique et attitré de la monarchie. C’est leur politique qui fait la force de toutes les revendications, et ces prétendus dangers qu’ils voient partout, dont ils accusent tout le monde, c’est par eux et par eux seuls qu’ils existent. Au fond, toutes ces colères sont plus factices, plus calculées que sincères, et le vrai est que le manifeste de M. le Comte de Paris n’est qu’un prétexte dont ils se servent pour rallier les républicains modérés et timorés à leur politique d’agitation et de guerre, pour porter le dernier coup aux alliances conservatrices qui ont pu paraître un moment possibles. Avec eux, on peut s’attendre à tout. Ils parlent déjà de représailles nouvelles, de confiscations et de proscriptions plus étendues. Leur tactique est visible : ils espèrent entraîner on compromettre le ministère lui-même, en le mettant dans l’alternative d’abdiquer devant eux s’il s’associe à leurs passions, ou de paraître plus que jamais suspect de connivence avec les monarchistes s’il se défend des violences qu’ils prétendent lui imposer. Ils peuvent, sans doute, réussir dans une certaine mesure; ils ont même déjà réussi à mettre le cabinet en campagne contre le manifeste de M. le Comte de Paris. En définitive, cependant, à quoi servirait une recrudescence de la politique d’agitation et de combat? Qu’aurait gagné la république? On reviendrait fatalement à la séparation de l’église et de l’état, à la persécution religieuse, à l’impôt sur le revenu, à la désorganisation financière, à tout ce qui a compromis le régime. Qu’aurait gagné le ministère lui-même? Il se serait désarmé de ses propres mains, il se serait dépouillé de ce qui a été sa raison d’être, de cette apparence de modération qui a fait un moment son crédit.

Au lieu de céder à un courant où il ne tarderait pas à disparaître, le ministère n’a qu’un moyen, c’est de garder son sang-froid au milieu de ces turbulences, de ne pas laisser les radicaux se servir d’un incident pour compromettre toute une politique, pour détourner l’attention des plus pressantes affaires du pays. Le danger pour la France, pour la république elle-même, n’est pas dans le manifeste de M. le Comte de Paris; il est parmi ceux qui, sous prétexte de réformes chimériques, s’attaquent à toutes les forces de l’état, à l’armée, à l’administration comme aux institutions financières; il est dans les passions de secte; il est dans cet esprit qui depuis quelques années a pénétré partout et