Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la tige lisse, aux branches parallèles, à la façon des sapins, comme chez tous les primitifs. La facture n’a déjà plus rien de la rudesse des dessins de Verrocchio; les moindres traits, sous cette main si souple, acquièrent une incomparable suavité. Néanmoins, le paysage, évidemment une étude d’après nature, manque encore de sûreté et surtout de parti-pris; il y a quelque chose de flottant, comme dans la plupart des productions de cet esprit qui consentait si difficilement à prendre une décision nette et catégorique. — Le dessin de 1473 nous fournit une autre indication précieuse encore : dès ce moment, Léonard avait adopté son singulier système d’écriture, de droite à gauche, à la manière des Orientaux.

A côté des dates formulées au moyen de chiffres, il en est qui ressortent jusqu’à l’évidence des particularités du style. Pour ne point contenir de mention chronologique de la main de Léonard, les deux dessins dont je vais m’occuper n’en appartiennent pas moins à une période bien déterminée de sa carrière : s’ils n’ont pas attiré jusqu’ici l’attention des historiens du maître, nul, une fois le problème soulevé, ne saurait plus nier qu’ils n’aient été exécutés au début de ses études et dans l’atelier même de Verrocchio. Le premier, qui est allé échouer à Weimar, nous montre une tête d’adolescent de tout point semblable à celle du David de Verrocchio, mais moins âpre, plus douce, plus suave, la bouche moins pincée, les pommettes et le cou moins anguleux, bref dégageant de toutes pans le plus pur parfum léonardesque : mêmes cheveux bouclés d’ailleurs, avec des anneaux plus abondans et descendant plus bas sur le front, mêmes yeux allongés. C’est très probablement le même modèle interprété une fois par le maitre, l’autre fois par l’élève : ce que l’un y a mis d’âpre, de provoquant, l’autre l’a converti en suavité. — Voici, si je ne m’abuse, le point de départ de cette recherche de la grâce qui, à partir d’un certain moment, perce dans les principaux ouvrages de Verrocchio : son groupe de l’Incrédulité de saint Thomas, où le saint, avec sa physionomie sereine et douce, est digne de s’asseoir parmi les apôtres de la Cène de Sainte-Marie-des-Grâces, les anges du tombeau de Forteguerra, la Dame au bouquet, ce buste encore si maigre, mais d’une expression si distinguée, si séduisante.

Un autre dessin, représentant trois danseuses (académie de Venise, n° 49 des photographies de Braun), offre les mêmes points de contact et les mêmes dissemblances. Nous y retrouvons les draperies