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se produisit cependant plus tard. En 1513, pendant le séjour de Léonard à Rome, une de ses belles-sœurs chargea son mari de la rappeler au souvenir de l’artiste, alors au comble de la gloire. Léonard, dans son testament, laissa également à ses frères un témoignage d’affection : il leur légua les 400 florins qu’il avait déposés à l’hospice de Sainte-Marie-Nouvelle, à Florence. Melzi, dans la lettre adressée aux frères de Léonard pour leur annoncer la mort du maître, ajoute que celui-ci leur a légué son petit domaine de Fiesole. Le testament, toutefois, est muet sur ce point. Enfin, un de ses ouvrages de jeunesse, le carton avec Adam et Eve, resta en possession d’un de ses parens (Vasari dit son oncle), qui en fit don plus tard à Octavien de Médicis.

Aucun autre membre de la famille des Vinci n’a marqué dans l’histoire, à l’exception d’un neveu de Léonard, Pierino, sculpteur habile, mort à Pise vers le milieu du XVIe siècle, âgé de trente-trois ans seulement. Le seul trait dont les Vinci aient hérité de leur auteur commun, c’est, semble-t-il, une santé robuste et une rare vitalité. En effet, la progéniture de ser Piero s’est perpétuée jusqu’à nos jours. En 1869, un chercheur heureux, M. Uzielli, découvrit près de Montespertoli, dans un endroit appelé Bottinaccio, un paysan nommé Thomas Vinci. Vérification faite, ce paysan, qui détenait alors les papiers de la famille[1], et qui, comme son ancêtre, compte une nombreuse progéniture, s’est trouvé être un descendant de Dominique, l’un des frères de Léonard. Par un souvenir touchant dans une famille si cruellement déchue, Thomas de Vinci a donné à son fils aîné le glorieux prénom de Léonard.

Après avoir fait connaître la famille de Léonard de Vinci, il est temps de nous occuper des dispositions de l’enfant de génie, de cette nature si splendidement douée, de ce cavalier accompli, de ce Protée, de cet Hermès ou de ce Prométhée, surnoms qui reviennent à tout instant sous la plume des contemporains émerveillés. Jamais on ne célébrera plus dignement cette figure radieuse que ne l’a fait Vasari dans son recueil des vies des artistes : « On voit la Providence faire pleuvoir les dons les plus précieux sur de certains hommes, souvent avec régularité, parfois avec profusion ; on la voit réunir sans mesure en un même être la beauté, la grâce, le talent, et porter chacune de ces qualités à une telle perfection que, de quelque côté que se tourne ce privilégié, chacune de ses actions est tellement divine que, distançant tous les autres hommes, ses qualités apparaissent, ce qu’elles sont en réalité, comme accordées par Dieu et non acquises par l’industrie humaine. C’est ce que l’on

  1. Ces papiers font aujourd’hui partie des archives de l’académie des Lincci, à Rome.