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aux explorations de la Sémillante l’attention que le malheureux Louis XVI, si épris des études géographiques, ne leur eût certainement pas refusée? Je ne saurais édifier le lecteur sur ce point. En revanche, je puis lui affirmer que la campagne de la Sémillante a été appréciée à sa juste valeur par les écrivains anglais. J’aurais bien quelque droit de l’appréciera mon tour, car je l’ai, en quelque sorte, recommencée sur la Bayonnaise. Les cartes dont je disposais ne valaient guère mieux que celles dont se servait le capitaine Motard. Comme lui, la plupart du temps, je marchais à tâtons, plus empêché encore, s’il est possible, puisque je n’avais pas le pilote dont le capitaine de la Sémillante s’assura les services à Manille[1].

La Sémillante, nous l’avons déjà dit, appareilla de l’Ile-de-France le 8 mars 1805. Après avoir atteint le parallèle de 3 et 4 degrés sud, le commandant Motard se maintint constamment sur ce parallèle jusqu’au méridien de 86 degrés à l’orient de Paris. C’était la route depuis longtemps indiquée, en cette saison, par un des plus savans officiers que compta la marine de Louis XVI, le chevalier Grenier. « Dans cette traversée, qui a été d’un mois entier, le commandant Moturd, fait remarquer l’amiral Decrès, a éprouvé des temps très orageux et des pluies continuelles. Il n’a vu aucune terre ni aucun bâtiment. » Quand on veut naviguer à l’encontre de l’alise, on n’a le choix qu’entre deux moyens : il faut sortir de la zone comprise entre les deux tropiques ou cheminer lentement en plein « pot au noir. »

Jusqu’au 9 avril, les vents ne cessèrent de varier du sud-est au sud et du sud au sud-ouest. Le 9 avril, ils se fixèrent à l’ouest. La pluie tombe toujours ; la mer peu à peu devient grosse : quelque cyclone rôde, à coup sûr, dans les environs. Le 10, le bâtiment est démâté de son petit mât de hune ; la chute rompt les traversins de la hune de misaine. En quarante heures, la double avarie est réparée. Le 17, on a connaissance de l’île Engaño, au large de Sumatra. Le 18, la frégate donne dans le détroit de la Sonde, communique en passant avec le village d’Anjer et continue sa route vers le détroit de Gaspar. Le 21 avril, à sept heures du soir, Motard laisse tomber l’ancre à l’entrée de ce passage, appareille dès le lendemain, prend successivement connaissance de Pulo-Aor, de Pulo-Condor, et le 14 mai de Pulo-Sapata. La mousson du sud-ouest n’était pas encore franchement déclarée : de Pulo-Sapata

  1. Voyez le Voyage de la corvette « la Bayonnaise » dans les mers de Chine; Plon, imprimeur-éditeur, t. I, p. 175 à 204, et t. II, p. 74 à 242. — Voyez aussi le rapport de mer à la fin du second volume.