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d’archichancelier est de lui en faire promptement trouver un. » — L’ambassadeur, ainsi rebuté et se souciant peu de se le faire dire à deux fois, trouva alors plus commode de s’enfermer chez lui, en prétextant qu’il était malade (ses lettres même disent qu’il l’était réellement) : ce qui lui donnait aussi une bonne raison pour ne pas sortir de Francfort au moment indiqué, car il eût été très embarrassé (dans l’état des environs) de trouver, même pour quelques heures un abri où il pût rester en sécurité[1].

Quand Louis XV fut informé de la triste figure qu’avait faite l’agent porteur de son sceau et de sa signature, il en éprouva une humeur très vive, et dit tout haut que Dufour aurait dû, même au risque de sa vie, se frayer un passage. Mais, quant à d’Argenson, il dut se borner à faire remarquer combien les procédés de l’Autriche étaient différens des siens, puisque, tant que l’armée française avait campé dans le voisinage de Francfort, elle avait laissé circuler en liberté même les envoyés de Marie-Thérèse.

Avec quelque rapidité qu’on eût l’intention de procéder, telles étaient pourtant les lenteurs inévitables de la procédure germanique que les opérations ne pouvaient guère durer moins de quelques semaines ; la Bulle d’or en prévoyait même jusqu’à quatre, qu’il n’était guère dans les habitudes d’abréger. Pendant cet intervalle d’attente nécessaire, plusieurs incidens survinrent, qui, dans d’autres circonstances et sous une moins forte impulsion, auraient pu déterminer les électeurs à tout suspendre, tandis qu’une fois leur parti pris, l’effet fut contraire et ne fit que les raffermir dans leur résolution. Ce fut d’abord la nouvelle des progrès du prétendant en Écosse et de sa marche rapide et triomphale vers Edimbourg ; d’Argenson s’était flatté, en apprenant ce succès (qui l’avait trouvé longtemps incrédule), que le départ, devenu nécessaire, du roi George d’Allemagne, affaiblirait le crédit et l’action de son représentant à la diète. Loin de là, George, toujours Autrichien dans l’âme, n’en fut que plus pressé de régler, avant de s’éloigner, une question qui lui tenait au cœur et qu’il considérait comme très importante pour la sécurité de ses possessions allemandes ; il donna pour instructions à son envoyé, le baron de Münnchausen, de ne rien négliger pour que tout fût résolu le jour où il devait quitter le territoire germanique. Münnchausen lui-même, tout dévoué à Marie-Thérèse, s’acquitta de sa commission avec un tel déploiement de zèle, que Frédéric, informé de cet empressement et à qui tant

  1. Dufour et Conti à d’Argenson, 29 et 30 août 1745 ; — Saint-Severin à Conti, 29 août ; — à d’Argenson, 1er, 2 et 3 septembre 1745. (Correspondance d’Allemagne. — Ministère des affaires étrangères.) — Note de d’Argenson à Saint-Severin, 12 août 1745. (Correspondance d’Allemagne. — Ministère des affaires étrangères.)