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le 3 août, les représentans, réunis en conférence préliminaire, se montrèrent résolus à rendre (comme on disait) l’activité à la voix de Bohême, ce qui ouvrait la porte de la diète aux envoyés de Marie-Thérèse ; et cette décision amenant, comme on s’y attendait, la retraite immédiate de la Prusse et du Palatinat, il fut déclaré qu’on passerait outre sans tenir compte d’aucune absence, et que l’élection aurait lieu à la pluralité des présens. Puis, de crainte que la discussion des articles qui, sous le nom consacré de capitulations, devaient être présentés à l’empereur élu (comme la condition et la règle de son administration future) n’entraînât quelques délais, on convint, afin de rendre ces formalités le moins longues possible, de s’en tenir aux dispositions prises dans l’élection précédente. En un mot, tout fut préparé, comme l’annonçait un agent français, pour enlever militairement l’opération électorale. On sentait que la diète, appartenant désormais à Marie-Thérèse, n’était plus que l’instrument d’une main puissante.

La protestation de la France aurait dû suivre immédiatement celle de la Prusse, et il ne manquait pas à Francfort d’agens français pour la présenter. Il y en avait jusqu’à trois : La Noue, résident ordinaire dans la ville impériale ; Blondel, accrédité auprès de l’archevêque de Mayence, et qui avait suivi le prince-primat à la diète ; enfin, le comte de Saint-Severin, seigneur de distinction, exercé déjà à de hautes fonctions, et qui devait remplir, en qualité d’ambassadeur extraordinaire, le rôle si récemment dévolu à Belle-Isle, et joué par lui avec un éclat qu’on n’avait pas oublié. C’était celui-là dont la voix, se faisant entendre en même temps qu’arrivait en Allemagne l’écho, malheureusement trop affaibli, des victoires françaises dans les Pays-Bas, aurait pu avoir quelque retentissement. Sa retraite, après une apparition solennelle et suivie d’une protestation hautaine, aurait pu jeter quelque trouble dans des âmes timides et des esprits naturellement indécis. Mais un incident ridicule ne laissa pas à Saint-Severin, qui se sentait d’avance condamné à l’impuissance, même la ressource de garder un peu de prestige en s’enveloppant dans sa dignité.

Sa nomination avait été le chercher sur la route de Russie, où il allait remplir une mission extraordinaire, et il avait dû arriver à Francfort sans aller prendre à Paris ses lettres de créance : un secrétaire était chargé de les lui apporter. Seulement on n’avait pas réfléchi que les troupes autrichiennes occupaient toutes les routes qui conduisaient de la frontière de France à Francfort, et que l’accès en était interdit tout particulièrement aux Français. Sans doute, à l’ambassadeur lui-même, se présentant avec son caractère officiel et l’extérieur de son rang, on eût hésité à barrer le chemin ; mais un