Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 83.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exposé simplement fait, avec la grâce du langage et le ton persuasif d’un homme de bonne foi et de bonne compagnie, firent sur le prince la meilleure impression. Après avoir ainsi préparé le terrain, Contactes aborda l’objet même de sa mission, et ne se montra pas moins habile. Au lieu de suivre à la lettre les instructions du roi et de marchander, pour ainsi dire, chaque détail, au risque de réveiller les défiances d’Eugène, il alla droit au but : il dit que les changemens demandés par le roi étaient si peu nombreux et si peu importans que Villars ne doutait pas que le prince ne les agréât, mais que le maréchal, par respect pour la parole qu’il lui avait donnée, et par considération pour sa personne, ne voulait pas l’exposer à un voyage inutile : il lui communiquait donc officieusement les derniers ordres du roi ; si le prince les trouvait incompatibles avec ses instructions, il ne reviendrait pas à Rastadt, et tout serait dit.

Contades remit alors à Eugène par écrit le texte des trois points essentiels, avec les expédions, tels qu’ils avaient été rédigés par le roi lui-même. Eugène les prit et demanda une heure pour les examiner à loisir ; mais, avant de congédier Contades, il le somma de lui dire si c’était tout, et s’il pouvait considérer comme acceptées toutes les autres objections qu’il avait présentées au projet français. Mis au pied du mur, Contades n’hésita pas à user de l’autorisation de Villars et à répondre que le maréchal avait encore quelques observations à soumettre, mais qu’elles n’étaient pas de nature à empêcher la signature du traité ; enfin, il laissa entendre que Villars ne discuterait que pour la forme les modifications qui seraient incompatibles avec les instructions impériales. Quant aux trois points, il répéta qu’aucune latitude ne lui était permise, que c’était à prendre ou à laisser.

Appelé à prendre la plus grave des déterminations, Eugène fit venir Penterriedter, relut avec lui les dernières instructions de l’empereur, pesa avec soin les termes des rédactions françaises ; il eut bientôt reconnu que les concessions du roi dépassaient ses propres espérances, et qu’il pouvait prendre sur lui de les accepter : risquer une guerre pour obtenir davantage eût été un acte de folie. Il essaya pourtant encore, lorsque Contades fut rentré dans la salle des conférences, de discuter avec lui l’article 31. Il lui en coûtait d’ôter toute espérance à des convoitises qu’il savait très tenaces ; Contades fut inébranlable, et déclara au prince qu’il était inutile qu’il se rencontrât de nouveau avec Villars s’il n’acceptait d’avance la rédaction du roi. Eugène n’insista plus et promit de revenir à Rastadt ; il prévint pourtant Contades que son intention était de demander la suppression d’un mot auquel sans doute le roi ne tenait