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Contades : que furent-elles ? nul ne l’a répété ; mais en lisant les résolutions que le roi prit et consigna trois jours après dans une dépêche solennelle, on peut constater les dispositions conciliantes que cet entretien inspira, et affirmer que la mission de Contades avait pleinement réussi. Le roi réduisait strictement ses demandes aux points qu’il ne pouvait absolument abandonner sans manquer à ses devoirs de souverain ; ils étaient au nombre de trois : 1° dans le préambule, Louis XIV persistait à refuser à l’empereur le titre de roi d’Espagne ; 2° à l’article 1er, il refusait d’insérer la phrase additionnelle suggérée par Eugène et qui impliquait l’abrogation indirecte des traités d’Utrecht ; 3° à l’article 31, il maintenait sa rédaction primitive, celle qui n’attribuait à l’Autriche en Italie que les territoires qu’elle possédait actuellement. Sur ces trois points, le roi se montrait inébranlable, et ordonnait à Villars de résister « quand même un refus romprait la négociation. » Sur tout le reste, il cédait ; il acceptait que les réclamations de ses cliens fussent ajournées, même celle de l’auxiliaire énergique et efficace des mauvais jours, la princesse des Ursins ; il acceptait que l’Espagne fût passée sous silence, que la situation de sa couronne restât indéterminée, que l’état de guerre subsistât entre l’archiduc Charles et le duc d’Anjou. Cette concession coûtait à sa dignité de roi et à sa tendresse d’aïeul ; il la consentait pourtant, par raison et par patriotisme, se réservant, par une énergique intervention en Catalogne, d’enlever à Charles VI ses dernières illusions et de lui fermer à tout jamais l’entrée de l’Espagne. Mais ce n’est pas tout, et, au dernier moment, Louis XIV devait donner une éclatante preuve de sa modération. Des trois points sur lesquels il ne voulait et ne pouvait céder, il en était deux, le préambule et l’article 31, qui provoqueraient peut-être chez Eugène une résistance non moins obstinée. Louis XIV, prévoyant ce cas, voulut encore ouvrir une porte à la conciliation : il imagina deux expédiens dont il autorisa Villars à se servir, à la dernière extrémité. Dans le préambule, si Eugène refusait absolument d’omettre le titre de roi d’Espagne, Villars céderait, mais à la condition qu’un article séparé, signé avant le traité, et ayant la même force que s’il y était inséré, stipulerait « que les qualités prises ou omises de part et d’autre ne donneraient nul droit et ne causeraient nul préjudice à l’une ou l’autre des parties contractantes. » A l’article 31, tout en continuant à exiger que la mention des territoires ou des droits cédés en Italie fût suivie de la formule essentielle : « Ainsi que Sa Majesté impériale les possède actuellement, » il autorisait Villars à ajouter ces mots : « et qui ont été possédés ci-devant par les rois de la maison d’Autriche. » La phrase pourra bien prêter à l’équivoque ; mais, prise dans son sens naturel, elle ne fait que constater un fait historique : si elle suffit à désarmer l’Autriche, Villars l’insérera au traité.