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ne vouloir être tenue à aucune renonciation ou traité qui pourraient « voir été faits entre Sa Majesté très chrétienne et autres puissances. » Ce qui signifiait que les traités d’Utrecht étaient domaine non avenus, et que l’empereur pourrait maintenir légalement et avec l’assentiment du roi de France ses prétentions sur la couronne d’Espagne et sur la Sicile donnée au duc de Savoie ; — Ce même traité d’Utrecht était passé sous silence dans l’article qui réglait la situation des Pays-Bas. — Enfin, par l’article 23, chaque partie contractante s’interdisait de donner aucun secours aux ennemis de l’autre, ce qui impliquait pour Louis XIV l’obligation de retirer ses troupes d’Espagne.

Ce projet fourmillait donc d’imperfections. Néanmoins, l’optimisme tenace de Villars se refusait à les voir et s’obstinait à se complaire dans d’inébranlables illusions. Il croit la paix faite cette fois, et sa joie est sans bornes. Elle déborde dans les lettres enthousiastes qui accompagnent l’envoi de ce document mal bâti, et dont il inonde Versailles. Au roi, il écrit que la paix « est la plus glorieuse, » que l’on puisse désirer ; le rétablissement des deux électeurs est un succès inouï. Le roi peut consulter « tous les historiens anciens ou modernes, » se faire relire les traités de Westphalie, il ne trouvera pas d’exemple d’un fait semblable. — « Enfin, voilà l’ouvrage bien avancé, » écrit-il à Voysin. — A Torcy, il adresse un badinage plaisant qui dissimule mal l’espoir d’une grosse récompense ; à Mme de Maintenon il avoue sans détour l’objet de ses ambitions : c’est l’épée de connétable, qu’il a déjà demandée après la prise de Fribourg, que le roi n’a pas cru devoir alors lui donner, mais qu’il ne pourra pas refuser au pacificateur de l’Europe.

Cet imprudent courrier était à peine expédié, le 4 janvier, qu’un premier avertissement arriva de Versailles : c’était la réponse du roi à l’expédient relatif aux Catalans. Elle était ce qu’elle devait être : un refus formel et digne, accompagné d’une leçon discrètement donnée.


Mon cousin,.. vous étiez informé déjà de mes intentions par ma lettre du 3 de ce mois ; j’ai confirmé, par ma dépêche du 8, les ordres précédens que je vous avais donnés. Ma résolution était fondée sur des principes qui intéressent tellement mon honneur que je n’admettrai nul expédient qui puisse y donner la moindre atteinte, tel que serait celui de retirer mes troupes que le prince Eugène continue de vous proposer… Je persiste donc dans la résolution constante de rejeter une pareille proposition… Je ne refuse pas d’interposer encore mes offices auprès du roi mon petit-fils en faveur des Catalans, quoique