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Si, depuis que l’électeur de Bavière est hors de ses états, il avait passé ce temps dans une île déserte, à vivre de croûtes, il serait juste que le Roi ou lui tint compte de ses revenus ou le fit dédommager par ses ennemis ; mais, depuis ce temps-là, le Roi lui a donné tous les ans le tiers au moins plus qu’il n’a jamais touché de ses états, et cela pour entretenir douze escadrons et deux ou trois bataillons, et chez lui, il en aurait payé double : donc il a quatre fois plus d’argent à mettre en demoiselles ou à perdre contre les fripons de sa cour que s’il était à Munich… en vérité, il n’y a qu’heur et malheur ! Je vois que l’on aigrit le roi contre l’électeur palatin, et que l’on porte Sa Majesté à trouver toutes les prétentions de l’électeur de Bavière légitimes. Pour moi, je crois que l’un fait tout ce qu’il peut pour procurer la paix, l’autre pour la traverser… Si sa dernière proposition ne détermine pas le Roi, attendez-vous sérieusement à la guerre. Mais sur cette proposition et sur cette augmentation de frontière au Roi, j’aurai l’honneur de vous dire, monsieur, qu’à la paix de Munster, le Roi donna à M. le cardinal Mazarin, à des généraux, et même à M. Bernard, tous les fiefs d’Alsace. En voilà pour plus de 50,000 écus de rente que je pourrai bien dire faire venir au Roi de toutes façons presque à la pointe de l’épée, et par les armes, et par la négociation. Vous, monsieur, qui, par les bons ordres de Sa Majesté, m’avez fourni les armes, et moi, qui, par ses ordres aussi, les ai assez heureusement menées, ne pourrions-nous pas prendre la liberté de demander ces fiefs à Sa Majesté ? .. Quelle paix ! et quelle différence de situation ! Que le Roi veuille bien se souvenir que j’ai en le bonheur de changer trois fois celle de l’Alsace : la première fois à Friedlingue, Sa Majesté me Gt l’honneur de me dire que, lorsqu’elle voyait ses armées ramenées de Nimègue à Namur, elle avait été pendant deux mois avec un pétillement dans le sang qui lui donnait quasi des momens de fièvre. Où nous en sommes ! Quelle paix ! quelle gloire ! quels avantages ! Non ! quand le Roi en devrait attendre de dix fois plus grands par la guerre, il est de sa sagesse de finir présentement, et tout court. Dieu le veuille !


Ces messages enfiévrés et si peu diplomatiques furent mieux accueillis à Versailles que l’on ne pouvait s’y attendre. Le roi avait réfléchi : il n’avait pas tardé à reconnaître que le « dédommagement » de l’électeur de Bavière ne valait pas les sacrifices d’une nouvelle guerre ; il était revenu sur le mouvement un peu prompt du 11 décembre, et s’était décidé à suivre le conseil de Villars sans s’arrêter à la forme insolite qu’il lui avait donnée : la perspective d’acquérir le bailliage de Germersheim le confirma dans ses dispositions conciliantes, et il écrivit à Villars la dépêche suivante :