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énumérées, la guerre inévitable si le roi insistait sur le moindre dédommagement en faveur de Max-Emmanuel. Eugène s’était trop engagé en paroles pour pouvoir reculer : n’avait-il pas déclaré qu’un dédomagement même d’un village serait une « honte, » un « opprobre » pour l’empire ? Il ne reviendrait pas sur de pareilles affirmations ; mais a il n’avait pas fait difficulté de promettre l’entier rétablissement des deux électeurs. » Et « quant à Landau, aux fortifications du Fort-Louis, enfin à la paix de Ryswick en entier, il ne pouvait encore les promettre, » à cause des ménagemens à garder envers l’empire ; « mais ou pouvait compter la paix faite sur ce pied-là. » Eugène venait de lui répéter que, les sept jours expirés, « il verrait qu’il n’y avait aucune mauvaise finesse de sa part, et que, si le retour de ce courrier n’apportait pas un ordre positif du roi de traiter sur ce pied, et abstraction faite de tout dédommagement, il partirait dans le moment. »

Avec Torcy et surtout avec Voysin, Villars donna libre carrière à sa mauvaise humeur : « Je vois, écrivit-il à ce premier, que je suis un parfait ignorant en matière d’état, et je ne vous désavouerai pas que je croyais la paix très bonne ; .. je la croyais glorieuse et utile. » Il avait sur le cœur l’allusion qu’Eugène avait faite à ses rapports avec lui et ne put s’empêcher de le lui montrer :


Le prince Eugène m’a demandé si j’étais bien avec vous, et dit qu’il y avait lieu de croire que vous ne vouliez pas que la paix se fit par moi. Je lui ai répondu que depuis plus de trente ans nous avions toujours été bien ensemble ; qu’il pouvait y avoir des gens que vous aviez cherché à servir avec plus d’attention, mais que je n’avais jamais en lieu que de me louer de vous… Lui et le baron de Hundheïm sont très étonnés que nous ne voulions pas d’une paix qu’ils avaient compté ne pouvoir être refusée. Enfin, voilà qui est fini ; je souhaite passionnément que vous la fassiez mieux ailleurs. Le prince Eugène déclare que vous pouvez compter qu’il ne s’en fera que l’un ou l’autre parti ne soit abattu.

Mais permettez-moi de vous demander, monsieur, comment je puis accorder des ordres si différens et si contraires donnés en vingt-quatre heures ? Je croyais la paix faite, et sans le contre-ordre que j’ai reçu douze heures après, peut-être aurait-elle pu être signée… Je crois pouvoir vous dire que vous n’en aurez aucune autre présentement, et l’on est bien à plaindre, quand on a compté d’avoir obtenu plus que vous n’aviez tous espéré, de trouver encore que l’on n’est pas content.

Avec Voysin, Villars était très à son aise ; aussi lui écrit-il sans