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commodément votre cour et les gêna qui pourront me suivre ; le nombre en serait grand si je le permettais à tous ceux qui ont une juste curiosité de voir un aussi grand capitaine ; mais je le modérerai à quatre ou cinq officiers-généraux. Je vous supplie aussi, monsieur, de vouloir m’éclaircir sur les escortes et gardes que vous aurez pour agréable de mener ; il me semble que, par égard pour Mme la princesse de Bade, le moins sera le mieux ; mais il serait aussi difficile de se dispenser d’avoir quelque peu d’infanterie et de cavalerie. Sur tout cela, je me réglerai conformément à ce que vous me ferez l’honneur de me mander.


Un nouvel échange de lettres fixa le rendez-vous au 26 novembre et régla les détails demandés par Villars.

Au jour dit, les deux plénipotentiaires se rendirent à Rastadt ; ils étaient chacun escortés d’une compagnie d’infanterie et d’un escadron de cavalerie ; une grande suite les accompagnait : il avait fallu, comme le prévoyait Villars, limiter les empressemens et les curiosités. Le maréchal avait avec lui son dévoué secrétaire d’Haute val, son fidèle chef d’état-major Contades, ses anciens auxiliaires Saint-Frémont et du Bourg ; trois officiers plus jeunes : Rohan, Châtillon, Belle-Isle. Le prince Eugène était accompagné du prince de Durlach, du duc d’Arenberg, des généraux Falkenstein et Königseck ; il s’était en outre fait envoyer de Vienne le secrétaire d’ambassade Penterriedter, un diplomate de carrière qui avait été à Utrecht et qui était rompu à tous les usages, à toutes les traditions de la chancellerie impériale. Arrivé le premier au château de la margrave, Villars attendit Eugène en haut du perron, s’excusant de ne pouvoir descendre à cause de sa blessure ; Eugène franchit lestement les degrés et se jeta dans les bras du maréchal. Toute la journée se passa à échanger des complimens et des politesses, à régler l’ordre des travaux. L’ambassade impériale s’établit dans l’aile droite du château, du côté de l’Allemagne ; l’ambassade française dans l’aile gauche, du côté de la France. Chacun eut ainsi la liberté de ses communications avec le dehors. Il fut convenu que les deux plénipotentiaires dîneraient alternativement l’un chez l’autre. Après souper, on se retrouvait chez Villars, dont l’appartement était plus grand et plus commode ; on y jouait toute la soirée. Villars, dont le bonheur ne se démentait pas, commença par gagner au piquet des sommes assez rondes ; il comprit assez vite l’inconvénient de ces parties et leur substitua peu à peu un brelan plus inoffensif. De part et d’autre, on faisait assaut de courtoisie et de politesse ; les bons rapports établis dès le premier jour résistèrent à trois mois de discussions.