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subventions accordées pour toute la durée des études se divisent en trois catégories, dont profitent des externes, des demi-pensionnaires et des internes. Depuis que cette fondation existe, c’est-à-dire depuis 1861, elle a ouvert les carrières libérales à plus de cinq cents jeunes gens, qui n’ont fait mauvaise figure ni à l’École normale supérieure, ni à l’École polytechnique, ni à l’École centrale, ni au barreau, ni aux examens de l’Ecole de médecine. Par cette protection si étendue et si éclairée, la jeunesse d’Israël semble conviée à participer à l’opulence de quelques-uns des siens, comme ces jeunes filles agrégées à une société de patronage libre, présidée par Mme Nathaniel de Rothschild, qui, tous les ans, tirent au sort trois dots de 1,500 francs chacune. Les fiancés ne manquent pas, et, s’ils sortent de l’école de la rue des Rosiers, je n’en serai pas surpris.

Les établissemens dont je viens de parler sont conçus dans un excellent esprit, remarquablement organisés, richement dotés, administrés avec une douceur où je crois reconnaître l’intervention féminine, et me paraîtraient dignes de tout éloge, s’il m’était possible de ne pas formuler une restriction ; je ne dissimulerai pas que cela m’est pénible ; je m’expose à choquer bien des idées reçues, que l’esprit de justice ne me permet point de ne pas combattre, parce que ma conscience les repousse. A l’orphelinat Rothschild, à l’école des apprentis, à la fondation Bischoffsheim, j’ai adressé la même question : « Recevez-vous des enfans naturels ? » Partout on m’a répondu : « Non. » Aucun des motifs allégués pour justifier, pour excuser cette exclusion n’est sérieux ; je n’ai point discuté avec des directeurs chargés d’appliquer un règlement qu’ils n’ont point fait, mais je n’en ai été que plus attendri en me rappelant cet article, ce large et maternel article des statuts du refuge de Mme Coralie Cahen : « On reçoit, en outre, des enfans nés dans des conditions irrégulières. » Là est la vraie charité, — la vraie zédaka, — de soulager le mal sans en rechercher l’origine, et d’être d’autant plus compatissant pour le malheureux qu’il est innocent de sa propre infortune. Que notre société, fondée sur l’héritage et sur la transmission du nom mâle, ait fait à l’enfant naturel une place restreinte, qu’elle ait amoindri ses droits et ne l’ait laissé entrer dans la famille, quand elle ne l’en a pas exclu, que par la porte dérobée, j’allais dire par la porte bâtarde, je l’admets, car les conventions sur lesquelles les nations ont établi leur mode de vivre sont respectables tant qu’elles subsistent. Mais que la bienfaisance ait des préjugés, qu’elle ne consente à s’exercer qu’après vérification des actes de l’état civil, cela me parait incompréhensible ; je dirai plus, cela me parait coupable, et l’inverse même du but qu’elle