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romance de fra Diavolo, les airs favoris de Zampa, de Marie, de la Fiancée, qui me rejetaient au temps de mon enfance, lorsque toutes les orgues de Barbarie les jouaient dans nos rues, qui alors ne leur étaient point interdites. Les fillettes, petites et grandes, m’ont paru prendre plaisir à leur gymnastique et à leurs chansons ; on y mettait de l’entrain, de la vigueur, et si parfois on chantait faux, les mouvemens du moins étaient harmonieux. Une heure de ces bons et salutaires exercices, c’est bien ; mais si, sans nuire au travail, on pouvait doubler, ce serait mieux. Je ne répéterai point ici ce que j’ai dit ailleurs sur la nécessité, au point de vue de l’hygiène physique et morale, d’astreindre les enfans à un régime gymnastique qui les fatigue, les apaise et les fortifie. Là où l’espace manque, — ce qui est toujours le cas à Paris, — lorsque l’on n’a pas le grand jardin où l’on peut courir, jouer aux barres et pousser le cerceau, l’on ne saurait trop multiplier l’action des muscles, qui, vivifiant le corps, apporte le repos à l’esprit.

On ne s’occupe pas seulement d’instruire les pupilles et de leur enseigner un métier, on s’efforce de faire naître en elles des sentimens où plus tard la famille trouvera sa sécurité. C’est là une conception toute féminine et maternelle dont les résultats ne seront point stériles. Les grandes sont, en quelque sorte, les tutrices des petites, veillent sur elles, en prennent soin, et jouent un rôle de sœur aînée qui n’est point sans douceur. Des deux parts, on s’en trouve bien, car à la sécheresse habituelle de la discipline scolaire on substitue l’affection qui rend l’obéissance facile et ne laisse rien de pénible au commandement. Non-seulement on encourage par des conseils les grandes à servir de « petites mères » aux enfans, mais on les récompense lorsqu’elles n’ont point failli à la mission qu’on leur a confiée et qu’elles ont donné preuve de dévoûment à leurs compagnes plus jeunes qu’elles ; des prix spéciaux sont attachés à ce genre de mérite, et chacun de ces prix, très ambitionné, est une montre. Un autre prix, représenté par une médaille d’argent sur laquelle on a gravé : « Souvenir d’affection et de bonne camaraderie, » est décerné par voie plébiscitaire ; les enfans et les maîtresses prennent part au vote, qui jamais n’a été l’objet d’aucune réclamation, ce qui a dû causer quelque étonnement au suffrage universel, accoutumé aux protestations des concurrens malheureux. Le système des récompenses distribuées aux pupilles me parait très bien compris et vise un but utile. Pour le bien comprendre, il faut se rappeler que toutes les élèves sont pauvres et que ce sera un grand bienfait pour elles si, sortant de la maison hospitalière qui a accueilli et façonné leur enfance, elles en emportent un petit pécule dont elles pourront s’aider aux premiers jours de responsabilité d’elles-mêmes. Dès qu’une enfant est admise à l’orphelinat de Neuilly,